Page:Revue de métaphysique et de morale - 9.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
revue de métaphysique et de morale.

ment étant l’auxiliaire naturel des mathématiques. L’autre qu’on pourrait appeler royale et aristocratique, c’est celle des Socrate, des Platon, des Aristote et de leurs semblables. La première, cherchant les principes dans les choses inférieures qui sont aux supérieures ce que des matériaux sont aux formes en lesquelles apparaissent l’ordre et la beauté, peut être dénommée le matérialisme. La seconde peut être appelée par opposition, comme le subtil et le fin est opposé au grossier, la philosophie spirituelle ou spiritualiste.

Suivant la philosophie qui, développée, devint l’Épicurisme et que contenaient en germe les opinions du vulgaire, on ne connaissait rien que ce dont témoignaient les sens, rien qui ne fût corps ou accident des corps. Chacun était ainsi renfermé étroitement en soi, uniquement occupé des biens et des maux qui en sont pour les sens physiques. Dès lors les sensations seules étaient ainsi que le proclamèrent les Sophistes la mesure de toutes choses.

Un homme d’esprit héroïque, supérieur aux préoccupations vulgaires, Socrate, comprit qu’avec une telle doctrine les sociétés ne pouvaient subsister. Persuadé qu’outre les choses sensibles il en était d’autres dont elles dépendaient et qu’on ne connaissait que par l’intelligence, il fît remarquer qu’il était des règles pour le discernement du bien et du mal, du juste et de l’injuste, sans lesquelles aucun accord ne pourrait s’établir, ni subsister. Il prouva qu’il était des généralités communes aux individus et par conséquent une science qui devait prévaloir sur leurs étroites convenances.

Platon alla plus loin. Il lui parut que toutes les choses sensibles devaient avoir des modèles intelligibles de leurs qualités, dont elles étaient des ressemblances imparfaites et qui constituaient seuls les véritables êtres. C’étaient des formes ou idées immuables qui revêtaient passagèrement, comme une matière docile, les choses de la nature. Mais c’était prendre pour des causes de simples modes, extraits que fait des choses l’entendement, et qui n’ont que dans les individus une existence réelle. C’était ériger en principes des abstractions créées par l’entendement. C’était tomber dans l’erreur signalée par Tacite dans ces paroles applicables à toute idolâtrie : on forge et en même temps l’on croit, fingunt simul creduntque.

Aristote signala cette erreur ; il fît remarquer que ce qui est ainsi en plusieurs choses à la fois, ou le général, n’existe pas en soi mais en la pensée qui le crée. Seul l’individu existe de cette manière et seul par conséquent peut être un principe, une cause d’existence.