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géométriques que l’on mesure. Mais cette échappatoire lui est fermée, je crois, par les conséquences de sa théorie. Il parle de corps qui se meuvent approximativement suivant le groupe euclidien. Or cela implique que les corps ont des grandeurs, des formes et des distances réciproques dont on connaît quelque chose, et cette conséquence serait nécessairement fausse, si la mesure ne s’appliquait pas à la figure géométrique des corps. »

« M. Poincaré paraît croire que l’on peut découvrir par l’expérience si les corps conservent leur forme ou en changent, sans rien savoir de cette forme, sans pouvoir même assigner aucun sens au mot forme. Si la mensuration n’est pas une opération exempte d’ambiguïté qui sert à découvrir quelque chose, et non à le créer, il est difficile de voir comment la mensuration des corps peut révéler qu’ils se meuvent approximativement suivant le groupe euclidien. »

« … Quelles sont les propriétés des corps solides que l’expérience doit révéler ? Je ne puis concevoir qu’elles soient autres que les propriétés géométriques. Or cela impliquerait que les corps ont des propriétés géométriques, ce que le nominalisme ne peut admettre sans se ruiner. Car dans ce cas il y aurait un système de mesures qui fournirait la vraie détermination de ces propriétés, tandis qu’un système qui donnerait des résultats différents en fournirait une détermination fausse. »

Ces passages me montrent combien j’ai été mal compris. J’avais pourtant surveillé soigneusement mon langage et pris bien des précautions pour éviter toute équivoque. Je n’en avais pas pris assez, et sans doute je n’en dois accuser que moi.

Quand je dis que des corps se meuvent approximativement suivant le groupe euclidien, je veux dire suivant un groupe ayant même structure (Zusammensetzung) que le groupe euclidien. Or de semblables groupes, on peut en rencontrer en étudiant la géométrie ordinaire, ou encore en étudiant la géométrie non-euclidienne ou la géométrie à quatre dimensions ; ou enfin en étudiant des transformations n’ayant rien à faire avec l’espace. Dès lors, pour étudier la structure du groupe formé par les mouvements des corps solides, il n’est pas nécessaire de rien savoir d’avance sur les relations métriques de l’espace, ni même de se rappeler qu’on opère dans l’espace.

Après avoir dit que les corps solides se meuvent suivant le groupe euclidien, j’ajoutais que l’on pouvait imaginer des corps suscepti-