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l’égalité de deux distances ; cela lui paraît un cercle vicieux. Ce cercle vicieux n’est que dans les mots. Comme on compte les longitudes à partir d’une origine arbitraire, on n’envisage jamais que des différences de longitudes. On définit donc la longitude par la différence de deux longitudes. Dira-t-on que cette définition implique un cercle vicieux ?

Si M. Russell n’avait pas, comme le lui reproche M. Halsted (vide supra), employé le mot distance dans deux sens différents, il n’y aurait plus d’apparence de cercle vicieux. Où serait cette apparence si l’on avait écrit : La distance est le résultat de la comparaison de deux « Strecken ».

« M. Poincaré, ajoute M. Russell, estime que la mensuration crée l’égalité et l’inégalité, mais il y a une conséquence qu’il ne paraît pas reconnaître : c’est que l’égalité et l’inégalité sont des mots vides de sens. »

Pardon, je reconnais parfaitement cette conséquence qui est même plutôt pour moi un point de départ ; l’égalité et l’inégalité de deux distances sont des mots qui n’ont aucun sens par eux-mêmes ; c’est précisément pourquoi je suis obligé d’avoir recours à une convention pour leur en donner un. Je conviens de regarder comme égales celles qu’une certaine méthode de mesure me montre telles ; j’aurais pu faire une convention différente.

Maintenant ces mots sont-ils en effet dépourvus de sens par eux-mêmes ? S’ils en ont un, qu’on me l’explique, sinon par une définition proprement dite, au moins en me faisant comprendre comment on peut se représenter l’égalité de deux distances. J’ai essayé de m’en rendre compte au § 4, et c’est encore à la mesure que j’ai été ramené. C’est toujours là qu’on reviendra, quelque chemin qu’on prenne. Vous dites que le mot ne peut être défini, mais qu’il peut suggérer l’idée. Pour moi, j’ai beau faire, le mot de distance ne me suggère d’autre idée que celle de mesure.

9. M. Russell demande qu’on lui accorde que la distance de Paris à Londres est plus grande qu’un mètre. Mais c’est ce que je ne puis faire ; si j’accordais cela, j’accorderais tout.

Tout ce qu’on peut dire c’est ceci : prétendre que cette distance est égale à un mètre, cela n’a pas le sens commun. C’est-à-dire que, dans toutes les circonstances de la vie, on devra se rappeler qu’il est beaucoup plus difficile d’aller de Paris à Londres que de parcourir un mètre, et se comporter en conséquence.