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E. CHARTIER.le problème de la perception

La notion de la distance qui nous sépare des objets est nécessairement acquise. Remarquons d’abord qu’elle ne peut nous être donnée ni par le toucher ni parle goût, qui exigent le contact, et qui, par suite, ne nous font naturellement connaître que des objets situés à une distance nulle ; en d’autres termes, de l’exercice de ces sens ne peuvent résulter que les deux connaissances immédiates qui suivent du changement des perceptions : l’idée de quelque chose de présent, et l’idée de quelque chose d’absent ; mais absent ne veut pas dire distant, car distant est quelque chose de plus, et signifie médiatement présent. Il faut donc, pour se représenter un objet comme distant, savoir en même temps qu’il est absent, et qu’il peut redevenir présent par l’effet d’un certain mouvement et à la suite d’une série déterminée de perceptions : cela suppose que l’on a appris à connaître cette série, que l’on a expérimenté sur ce mouvement, ce qui veut dire que la notion de distance est acquise.

L’odorat et l’ouïe nous permettent de connaître, à l’odeur ou au bruit, un objet distant pour le toucher ; mais cette connaissance n’est évidemment ni immédiate ni primitive ; nous commençons par connaître une odeur présente, un son présent, l’un et l’autre situés à une distance nulle ; c’est à la suite d’une éducation que nous arrivons à établir une relation entre ces perceptions et l’existence d’un corps situé à une certaine distance pour notre toucher.

La vue semble nous faire connaître immédiatement les objets comme distants par rapport à nous. En réalité il n’en est rien. Les objets que nous voyons sont tous présents, puisque nous les voyons ; ils sont donc tous, pour notre vue, à une distance nulle. Seulement nous apprenons à établir une relation entre ces perceptions visuelles présentes et des perceptions tactiles seulement possibles par l’effet de certains mouvements ; en d’autres termes, nous jugeons par la vue que des objets, non distants pour la vue, sont distants pour le toucher. Or cette notion de distance suppose des expériences : elle est nécessairement acquise.

La notion de la distance qui sépare les objets les uns des autres ne peut être donnée immédiatement que si les deux objets sont connus


    du transport d’une chose, et quand nous voulons prolonger l’espace au-delà de toute limite, nous nous représentons le transport possible d’un objel dans un certain sens indéfiniment.
    Il nous est donc impossible d’imaginer ni de concevoir la moindre transposition, la moindre mobilité dans une partir quelconque de l’espace : car l’espace est le juge, ou si l’on veut, l’arène, du mouvement ; il faut donc qu’il soit immobile.