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dogme oriental et de culture occidentale, on prendra, au contraire, résolument fait et cause pour la nature humaine et la culture occidentale et on travaillera courageusement à leur avancement. Les problèmes à résoudre ne feront pas défaut, ni les déceptions ; des défaillances se produiront. Il pourra surgir des disputes sur les chemins à prendre et sur l’établissement des idées directrices, mais l’orientation générale se laissera toujours reconnaître. D’autres conceptions de la vie seront mises à contribution ; elles fourniront des exemples, des aliments utiles. L’élan lyrique que met le croyant dans son attente du royaume de Dieu, toujours proche, aura une contre-partie plus ou moins vigoureuse dans toute aspiration active vers un but élevé. Toute œuvre de grande envergure comporte une certaine tension. S’il fallait établir une comparaison entre l’influence qu’a eue le christianisme sur la vie humaine en Europe et celle exercée par Bouddha en Asie, je dirais, pour reprendre une formule de ma Philosophie de la religion, que Bouddha a adouci l’Asie et que le Christ a appris à l’Europe l’exaltation infinie de l’effort. Mais, par-dessus tout, l’esprit de charité prêché par le christianisme et placé par lui (avec une logique quelquefois défaillante) en tête des autres vertus, aura sa place indiquée dans une morale instituée sur des bases purement humaines. Aristote a soutenu déjà que la justice prend sous sa forme la plus élevée le caractère de l’amour ; la réciproque est vraie aussi : l’amour n’est vraiment vertu que si, s’unissant à la sagesse, il devient justice. D’une façon générale, la conception purement humaine est dans les mêmes rapports avec le christianisme qu’avec les autres mouvements spirituels : elle s’assimile ce qu’elle juge compatible avec son aspiration continue. Autant que les civilisations, les grandes religions universalistes tirent leurs origines de la nature humaine et des conditions d’existence de l’homme ; les fruits qu’elles portent, la somme de noblesse, de grandeur, de beauté que nous leur devons appartient donc, en dernière instance, à l’humanité tout entière et non pas à une secte unique, si vaste que soit d’ailleurs son extension.

Quel que soit le chemin où l’on se trouve engagé, on s’inspirera avec profit de l’enseignement des deux grandes figures qui viennent de nous retenir. Grâce à elles, le centre de gravité de la vie spirituelle a passé du monde extérieur des autorités et des dogmes dans le champ intérieur de la personnalité, de ses expériences et de ses besoins. Le christianisme, conclut Pascal, est la vraie religion