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I. ― LEUR TEMPÉRAMENT ET LEUR CARACTÈRE

Le tempérament physique et moral de Pascal a été défini par ses deux sœurs de façon concordante (lettres de Jacqueline, biographie de Mme Perier). Il était d’humeur bouillante et la vivacité de son esprit n’allait pas sans une impatience qui le rendait, par moments, difficile à satisfaire ; sa sœur aînée admirait qu’avec la fougue de son tempérament il eût été préservé des écarts de la jeunesse. Une pensée qui me parait tout à fait significative à cet égard est celle du fragment 139 (Br.) selon laquelle tout le malheur des hommes viendrait d’une seule chose, qui est de « ne savoir pas demeurer en repos ». Dans le curieux Discours sur les passions de l’amour, qu’on attribue à Pascal, c’est la beauté du transport impétueux de l’amour qui est magnifiée, et la passion en général est caractérisée par la précipitation de toutes les pensées dans une seule direction. Ici s’annonce cette passion de la foi qui s’emparera de lui après sa conversion définitive. Sa nature garda son caractère primitif à travers toutes les phases de son évolution religieuse, et bien qu’il lui fallût passer par une double conversion avant d’en arriver au terme de son développement, Pascal n’a jamais été un homme sans religion. Pendant toute sa jeunesse, son âme fut dominée par un sentiment de gravité religieuse ; mais, à côté, une passion intellectuelle, d’une activité précoce, l’engageait dans des recherches qui ont fait époque dans l’histoire des mathématiques et de la physique ; d’ailleurs cela ne l’empêcha pas quelque temps d’aller dans le monde et d’y chercher les agréments spirituels et littéraires du commerce des honnêtes gens. C’est à cette période mondaine qu’il faut rapporter l’aventure qui a probablement inspiré le Discours sur les passions de l’amour. D’après M. Strowski (Pascal et son temps, II) l’objet de sa passion paraît avoir été une belle dame, de haute naissance, d’humeur aventureuse et passionnée, mais qui ne lui a point donné matière à repentir. Il n’en devait pas moins, dans la suite, s’imputer gravement à péché d’avoir eu l’âme remplie d’autre chose que de Dieu. Car, aux yeux de Pascal, il y avait là une mortelle antinomie, un antagonisme équivalent au conflit de la vie et de la mort. Il était de ces natures à qui il faut une rupture totale avec le, passé pour arriver à leur position définitive. Son « humeur bouillante » le voulait. La catastrophe vint dans cette nuit du 23 novembre 1654 où, dans une extase, il com-