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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

reviendrons, si vous le voulez, dans un prochain entretien. Je vous montrerai que notre corps est pour nous la représentation de notre pensée individuelle, et qu’ainsi l’on pourrait, si l’on n’avait pas l’esprit prévenu, tirer de l’étude du corps des règles pour la direction de la vie, ce qui n’a pas échappé aux grands philosophes de l’antiquité. Mais il faut pour aujourd’hui nous débarrasser de cette observation intérieure, qui a détourné tant de bons esprits de la véritable méthode. Donc ma pensée est nécessairement pour moi mon corps ?

ARISTE. — Je vois bien qu’elle est nécessairement cela.

EUDOXE. — Connaître ma pensée individuelle, c’est connaître mon corps ?

ARISTE. — Oui.

EUDOXE. — Nul ne peut donc en aucune manière se connaître lui-même autrement que comme corps ?

ARISTE, — Nul ne le peut.

EUDOXE. — Il ne faut donc point dire que l’observation intérieure manque de précision, il faut dire qu’elle n’est pas possible.

ARISTE. — Il faut le dire. Mais comment expliquez-vous que ceux qui recommandent l’observation intérieure aient souvent rencontré la vérité ?

EUDOXE. — C’est que l’observation intérieure est absolument impossible. Pour qu’une erreur soit à craindre une condition est nécessaire.

ARISTE. — Laquelle ?

EUDOXE. — Il faut que cette erreur soit possible.

Criton.