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H. POINCARÉ.L’ESPACE ET LA GÉOMÉTRIE.

Les déplacements se traduisent pour nous par le passage de l’ensemble d’impressions à un ensemble différent  ; mais parmi ces déplacements, nous en distinguerons qui sont tels que l’ensemble initial et l’ensemble final conservent certains caractères communs. Je ne veux pas entrer dans plus de détails ni chercher en quoi consistent au juste ces caractères communs.

Je me contente de remarquer que l’on est amené à distinguer certains déplacements particuliers ; c’est de ces déplacements qu’on dit qu’ils laissent fixe un des points de l’espace.

C’est là l’origine de la notion de point.

L’ensemble de tous les déplacements constitue ce qu’on appelle un groupe ; l’ensemble des déplacements qui laissent fixe un point de l’espace constituera un groupe partiel ou sous-groupe.

C’est dans les rapports de ce groupe et de ce sous-groupe qu’il faut chercher l’explication de ce fait que l’espace a trois dimensions.

Le groupe total est d’ordre , c’est-à-dire que tout déplacement peut être regardé comme une combinaison de six mouvements élémentaires indépendants.

Le sous-groupe est d’ordre , c’est-à-dire que tout déplacement appartenant à ce sous-groupe, ou, en d’autres termes, tout déplacement qui laisse fixe un point de l’espace, peut être regardé comme une combinaison de trois mouvements élémentaires indépendants.

La différence représente le nombre des dimensions.

Le monde non-euclidien. — Si l’espace géométrique était un cadre imposé à chacune de nos représentations, considérée individuellement, il serait impossible de se représenter une image dépouillée de ce cadre, et nous ne pourrions rien changer à notre géométrie.

Mais il n’en est pas ainsi, la géométrie n’est que le résumé des lois suivant lesquelles se succèdent ces images. Rien n’empêche alors d’imaginer une série de représentations, de tout point semblables à nos représentations ordinaires, mais se succédant d’après des lois différentes de celles auxquelles nous sommes accoutumés.

On conçoit alors que des êtres dont l’éducation se ferait dans un milieu où ces lois seraient ainsi bouleversées pourraient avoir une géométrie très différente de la nôtre.

Supposons, par exemple, un monde renfermé dans une grande sphère et soumis aux lois suivantes.

La température n’y est pas uniforme ; elle est maxima au centre,