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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

accompagnent tous nos mouvements et que l’on appelle ordinairement musculaires.

Le cadre correspondant constitue ce qu’on peut appeler l’espace moteur.

Chaque muscle donne naissance à une sensation spéciale susceptible d’augmenter ou de diminuer, de sorte que l’ensemble de nos sensations musculaires dépendra d’autant de variables que nous avons de muscles. À ce point de vue, l’espace moteur aurait autant de dimensions que nous avons de muscles.

Je sais qu’on va dire que si les sensations musculaires contribuent à former la notion d’espace, c’est que nous avons le sentiment de la direction de chaque mouvement et qu’il fait partie intégrante de la sensation. S’il en était ainsi, si ime sensation musculaire ne pouvait naître qu’accompagnée de ce sentiment géométrique de la direction, l’espace géométrique serait bien une forme imposée à notre sensibilité.

Mais c’est ce que je n’aperçois pas du tout quand j’analyse mes sensations ; je ne vois dans chacune d’elles qu’un caractère qualitatif spécial, indivisible, qu’on ne peut ni définir, ni analyser, et qui la distingue de celles qui me sont apportées par d’autres filets nerveux sensitifs. J’y vois d’autre part un élément quantitatif, une intensité plus ou moins grande, et c’est tout.

Ce que je vois, c’est que les sensations qui correspondent à des mouvements de même direction sont liées dans mon esprit par une simple association d’idées. C’est à cette association que se ramène ce que nous appelons « le sentiment de la direction ». On ne saurait donc retrouver ce sentiment dans une sensation unique.

Cette association est extrêmement complexe, puisque la contraction d’un même muscle peut correspondre, selon la position des membres, à des mouvements de direction très différente.

Elle est d’ailleurs évidemment acquise ; elle est, comme toutes les associations d’idées, le résultat d’une habitude ; cette habitude résulte elle-même d’expériences très nombreuses ; sans aucun doute, si l’éducation de nos sens s’était faite dans un milieu différent, où nous aurions subi des impressions différentes, des habitudes contraires auraient pris naissance et nos sensations musculaires se seraient associées selon d’autres lois.

Caractères de l’espace représentatif. — Ainsi l’espace représentatif, sous sa triple forme, visuelle, tactile et motrice, est essentiellement différent de l’espace géométrique.