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J. LAGNEAU.QUELQUES NOTES SUR SPINOZA.

l’existence même, l’existence en soi et nécessaire qui en fait un être, et la puissance infinie d’exister n’en est que la traduction en langage métaphysique commun, l’équivalent scolastique. « Et ainsi l’être absolument infini, dit Spinoza dans le scolie de P. 11, c’est-à-dire Dieu, tient de soi une puissance d’exister absolument, et, en conséquence de cela, existe absolument. » Au lieu de qui propterea, c’est qui scilicet qu’il devrait dire. D’ailleurs il emploie propterea en ce sens à l’avant-dernière phrase de la deuxième preuve : quæ propterea contradictionem involvunt. Il ne veut pas dire que la contradiction dans la nature divine serait l’effet de la présence en elle d’un empêchement à l’existence : car les deux choses, selon ses principes, n’en feraient qu’une. En réalité dans les deux cas, ce que Spinoza veut rendre, c’est un simple rapport de nécessité, une liaison. Le rapport causal n’est rien pour lui en dehors de la liaison des notions.

En résumé la véritable intuition fondamentale de la preuve 3 comme de la preuve 2, c’est celle d’absolument infini lié à absolument existant. Spinoza parait dans celle-ci s’appuyer sur l’idée d’impossibilité plus ou moins parfaite d’être exclu de l’existence, dans celle-là sur celle de puissance plus ou moins grande d’exister, et les deux preuves se laissent reconnaître l’une comme le dehors, l’autre comme le dedans d’un même argument : Dieu existe, parce qu’il a une puissance infinie d’exister, ce qui est la preuve 3, dont la preuve 2 : Dieu existe parce que rien ne peut l’empêcher d’exister, est comme la contre-épreuve ou l’épreuve négative. Cette solidarité des deux preuves apparaît dans ce fait que toutes deux aboutissent à la même idée et se concluent de la même idée : « Ainsi donc, dit la preuve 2, puisqu’il ne peut y avoir en dehors de la nature divine de raison ou de cause qui l’empêche d’exister, elle devra exister nécessairement, pourvu qu’il n’y en ait pas dans sa nature même, c’est-à-dire qu’elle n’implique pas contradiction. Or soutenir cela de l’être absolument infini et souverainement parfait serait absurde. Donc il n’y a ni en Dieu ni en dehors de Dieu aucune cause qui supprime son existence, et par suite il existe nécessairement. » Et la preuve 3 (fin du scolie) : « Donc la perfection d’une chose n’en supprime pas l’existence, mais au contraire la pose, et par suite nous ne pouvons être plus certain de l’existence d’aucune chose que de l’être absolument infini ou parfait, c’est-à-dire de Dieu. Car puisque son essence exclut l’imperfection et renferme la perfection absolue, par cela même elle supprime toute raison de douter de son existence, et