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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

spinozienne de l’argument ontologique : la suivante en est une autre. Celle-ci est directe ; celle-là indirecte, mais seulement dans la forme.

La troisième preuve contenue dans la proposition 11 sous sa forme a posteriori, et dans son scolie sous la forme a priori donne lieu aux mêmes conclusions. L’idée nouvelle qu’elle introduit est celle de la puissance d’exister. Sur cette idée Spinoza raisonne comme sur celle d’impossibilité d’être exclu de l’existence, dans la preuve précédente. Il semble d’abord qu’il en admette des degrés, tandis qu’au fond il le nie, et d’une manière expresse. Plus une chose, dit-il, a de réalité, plus elle tient de soi de forces et par conséquent de puissance d’exister ; donc l’être absolument infini existe absolument. Mais plus loin il déclare que la substance seule possède la puissance d’exister ; les autres choses, celles qui dépendent des causes extérieures, n’en ont aucune. Ici donc la notion et le principe sur lesquels la preuve s’annonce comme fondée, celle de puissance d’exister, et le principe qu’une chose en a d’autant plus qu’elle a plus de réalité, sont, non pas premiers, mais dérivés d’une notion et d’une intuition dont ils sont l’équivalent strict, qui est leur unique application possible : la puissance d’exister, c’est l’infinité substantielle ou la substance considérée en elle-même, dans son indépendance par rapport à ses déterminations et en même temps dans le fait qu’elle les produit nécessairement, deux traits essentiels de la substance, c’est-à-dire du Dieu de Spinoza ; cette puissance d’exister ne se trouve que dans un seul être, l’être parfait ou absolument infini, dont l’infinité ou la perfection ne consiste pas dans autre chose que dans cette puissance même ; autrement dit le principe de la preuve, c’est que l’être dont l’essence est infinie, parfaite, a une puissance infinie, c’est-à-dire absolue, d’exister, c’est-à-dire qu’il a purement et simplement la puissance d’exister.

Mais cette fois encore la même question se pose que pour la liaison sur laquelle repose la deuxième preuve entre l’idée d’absolument infini et celle de l’impossibilité d’être exclu de l’existence. L’idée de la puissance infinie d’exister est-elle en soi et dans la pensée de Spinoza, immédiatement liée à celle d’absolument infini, ou n’est-ce pas plutôt celle d’existence nécessaire, dont l’autre ne serait qu’une conséquence ou, pour mieux dire, une pure traduction ? C’est le dernier qui est le vrai. L’absolument infini est pour Spinoza l’être parfait, absolument infini. Cette infinité, cette perfection, c’est