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J. LAGNEAU.QUELQUES NOTES SUR SPINOZA.

tout ce qui existe, existe nécessairement) quand elle est telle, non qu’il n’y a pas en fait, mais qu’il ne peut pas y avoir, de cause qui l’empêche d’exister. Or il n’y a qu’un seul être, l’infini, auquel ce principe puisse s’appliquer, de même que dans la troisième preuve il n’y a qu’un seul être, la substance (sc. : contra quidqnid substantia perfectionis habet nulli caussæ externæ debetur) qui ait de soi quelque force d’exister et le seul qui en ait en a infiniment. Or, quand un principe que l’on pose n’a ni ne peut avoir qu’une application, il est clair qu’il ne peut avoir été tiré que de cette application même, qu’il n’est que l’équivalent strict de l’intuition qu’elle contient. Autrement dit par la preuve 2 Spinoza ne fait qu’exprimer la liaison qu’il aperçoit entre l’idée d’infini et celle de l’impossibilité d’être exclu de l’existence. La question est de savoir si cette impossibilité est une cause d’existence ou un effet de l’existence, et la solution de cette question n’est pas impliquée dans le fait de cette liaison ; pour mieux dire, la question est de savoir si l’infini existe parce que rien ne l’empêche ni ne peut l’empêcher d’exister, c’est-à-dire s’il possède cette propriété antérieurement à l’existence, ou si au contraire rien ne peut l’empêcher d’exister parce qu’il existe nécessairement et qu’il est l’existence même, autrement si c’est son existence qui rend tout obstacle à elle-même impossible. C’est le dernier qui est le vrai pour Spinoza lui-même. L’infini à ses yeux n’est autre chose que l’existence par soi considérée à la fois comme indéterminée en elle-même et comme principe immédiat de toute détermination. Il existe parce que rien ne peut l’empêcher d’exister, mais si ceci même est vrai, c’est parce que ce qui n’est pas lui vient de lui, n’est que par lui et ne saurait lui faire obstacle. La véritable intuition qui est au fond de cette seconde preuve est donc encore celle de substance, impliquée comme élément dans celle d’absolument infini, ou pour mieux dire identique. L’absolument infini ou parfait pour Spinoza, c’est l’absolument existant, c’est-à-dire ce qui existe sans condition, sans détermination, en soi, par soi. Pensant l’infini, Spinoza ne le pense pas moins existant, et par soi, que quand il pense la substance ; à dire vrai, c’est elle qu’il pense, sous un autre nom : cette seconde preuve, comme la première, ne fait qu’exposer les déterminations qu’il implique dans cette intuition primordiale ; car une intuition n’est pas une contemplation passive, mais un jugement à plusieurs termes, intuitif en ce seul sens qu’il est ultime, fondé sur lui-même. Cette preuve est une première forme