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la forme de celui-ci : la substance est cause de soi, existe par soi, absolument. Puis vient l’idée d’infini : elle est encore pour Spinoza sous ses deux formes un équivalent de celle d’être en soi conçu par soi. Aussi rattache-t-il directement dans P. 8 l’idée d’infini, au sens négatif d’indéterminé, à celle de substance ; il fait la même chose dans la première démonstration de l’existence de Dieu de la proposition 11 pour l’idée d’infini positif ou d’être absolument infini. Les propositions 9 et 10 servent à justifier cette idée : P. 9 (quo plus realitatis, eo plura attributa) introduit la quantité ou plutôt la détermination dans la notion négative d’infini substantiel, et P. 10 (unum cumque attributum per se concipi debet) y maintient l’unité, c’est-à-dire que ce qui se trouve introduit, ce n’est pas le nombre, mais l’absolue détermination. La proposition 11, dans la première preuve, établit que cet être existe parce qu’il est substance, et que la substance d’après P. 7 existe par soi. Elle ne fait donc que résumer 7, 8, 9, 10. Ainsi la première preuve de l’existence de Dieu procède par développement de l’intuition de la substance. Elle y implique celle de l’infini.

La deuxième, au contraire, est fondée sur celle de l’infini (souverainement parfait) que rien ne peut empêcher d’exister : c’est-à-dire qu’elle procède par développement de l’intuition d’infini, identifié à non-contradictoire, par l’intermédiaire inconscient de indéterminé ou de en soi ; dans cette intuition Spinoza fait apercevoir celle de substance. En effet, le principe dont il déclare partir, savoir qu’il doit y avoir pour toute chose une cause donnée soit de l’existence, soit de la non-existence, n’est pas le vrai principe générateur de la preuve. Il laisse en effet supposer celui-ci : toute chose existe à l’existence de laquelle nous ne connaissons pas d’empêchement ; ce qui est faux ; et cet autre, également faux : toute chose existe que rien n’empêche d’exister. Ces deux principes sont vrais de l’infini, non du fini, et Spinoza a le tort d’établir ici, comme dans la troisième preuve, entre l’infini et le fini un rapprochement qui n’est pas, au fond, dans sa pensée. Il est clair que de ce que nous ne connaissons pas de cause qui empêche une chose finie d’exister, il ne s’ensuit pas qu’elle existe ; au contraire cela s’ensuit dans le cas de l’infini : la cause en est que lorsque nous le savons, c’est que nous savons qu’il ne peut rien y avoir qui l’empêche d’exister. De sorte que la vraie forme du principe, c’est qu’une chose existe nécessairement, ou, plus strictement, par soi (car, selon cette démonstration même,