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J. LAGNEAU.QUELQUES NOTES SUR SPINOZA.

dépendant les uns des autres et tout mode à ce point de vue est fini.

Ce quatrième sens du terme infini parait correspondre pour le mode à ce qu’est le deuxième pour l’attribut ; mais il y a un abîme et c’est vraiment ici que l’infinité numérique, c’est-à-dire l’indéfini, commence. En effet les infinita attributa sont inempiriques et insolidaires ; on ne saurait les compter et ils ne composent pas un tout. Chacun d’eux est un monde à part qui n’est uni aux autres que par le lien de son inadéquation à la nature pure de la substance, lien qui n’a rien de quantitatif, de numérique.

Pour parler strictement, le quatrième sens du terme infini n’appartient pas au même genre que les trois premiers. Ceux-ci n’étaient que des modes du sens d’absolu, tandis qu’il signifie la détermination, la circonscription indéfiniment continuée. Les premiers s’appliquent à la substance ; il ne s’applique qu’au tout modal de l’attribut.

Comme il a été dit au début Spinoza ne sépare pas le premier sens du second, l’infinité de la pure substance, en tant que telle, de la prédicabilité absolue. Dans la preuve par la puissance d’exister, sous sa double forme, l’identification est frappante : c’est l’infinité au premier sens, de puissance absolue d’exister, ou d’existence absolue, qui en est le vrai fondement ; mais l’autre infinité, la prédicabilité absolue, est considérée au fond par Spinoza comme l’équivalent, la simple et stricte traduction de l’existence par soi ou absolue, quoiqu’il pense progresser en passant de la première (établie dans P. 7) à la deuxième (établie dans P. 11). Par suite dans la troisième preuve sous ses deux formes, il est naturel qu’il prétende retrouver l’infinité 1 dans l’infinité 2 qu’il considère comme en étant l’élément. L’apparence paralogique vient de ce qu’il semble y avoir dans l’infinité 2 à la fois plus et moins que dans 1, plus, savoir l’infinité quantitative, moins, savoir l’existence absolue. En réalité il n’y a ni plus ni moins, mais la même chose ; il n’y a de part et d’autre que l’absolue existence, mais sous deux points de vue différents, que Spinoza considère comme inséparables et également légitimes, l’absoluité pure et l’absolue prédicabilité : c’est-à-dire qu’il est également certain pour lui qu’il y a un en soi et par soi indépendant de toute détermination modale, et qu’étant réel ce par soi n’est pas un indéterminé, mais au contraire un qualifié absolu ; ces deux notions : absolu ou absolument existant, et absolument qualifié, sont pour lui au fond adéquates l’une à l’autre ; mais il a dans la forme, dans l’expression, le tort de laisser croire et même de se laisser croire