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J. LAGNEAU.QUELQUES NOTES SUR SPINOZA.

existant, modal, mais intérieurement, implicitement, avec un fini qui serait essence en soi, substance : « contra quidquid substantia perfectionis habet, etc. »

En réalité Spinoza identifie l’idée de fini à celle de mode, et celle d’absolument infini à celle de substance : voilà ce qu’il aurait dû mettre en vue dès le principe. L’être par soi ou par essence, la substance, c’est l’être absolument infini, et cette infinité ne fait pas qu’elle existe par soi infiniment, mais absolument, sans degré, car il n’y a pas là de degré possible : l’infinité, c’est l’absence de détermination modale, l’existence substantielle et par soi, toute pure.

À tous ses degrés l’infinité a, pour Spinoza, ce sens, non selon la quantité, mais selon la relation : l’infinité dans un genre, c’est-à-dire dans un attribut, c’est pour lui l’indétermination dans l’intérieur de cet attribut, c’est-à-dire l’attribut même excepté.

Ainsi les propositions 9 et 10 : (plus chaque chose a de réalité ou d’être et plus elle possède d’attributs ; et : chaque attribut d’une même substance doit être conçu par soi) et le scolie de la dernière par lequel est conclue la légitimité de la définition de Dieu sont propres à entretenir la confusion entre le sens ordinaire du mot infini et le sens spinozien : car Spinoza a l’air d’y considérer l’infinité comme une grandeur numérique (quo plura attributa…), et cependant en d’autres endroits il écarte nettement cette idée que l’infini est un nombre. Cette tentative vers l’infini quantitatif paraît contredire l’explication qui précède, celle de ramener l’infini à l’indéterminé. La contradiction n’est qu’apparente ou plutôt ici comme dans le scolie de P. 11, les expressions de Spinoza peuvent être rectifiées, et dans le même sens. Ces attributs infinis (il ne dit pas en nombre) qui constituent l’infinité de la substance, c’est l’indétermination dans la prédicabilité, ou la prédicabilité indéterminée, c’est-à-dire le fait que cette capacité de s’exprimer en attributs est absolue dans la substance, qu’elle n’est déterminée par rien, qu’aucune pensée particulière, aucune expérience, ne saurait la définir, la circonscrire.

La substance est donc pour Spinoza infinie à deux titres qu’il n’a pas distingués, l’un négatif, l’autre positif. Elle est infinie : cela veut dire d’abord qu’en elle-même elle échappe, comme placée au delà, à toute détermination modale, c’est-à-dire à toute limitation. C’est ce qu’exprime la prop. 1 : Substantia prior est natura suis affectionibus : ce ne sont pas ses modifications qui la font être.

Cependant la substance a une puissance absolue, c’est-à-dire non