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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

En effet les êtres tiennent d’eux-mêmes d’autant plus de forces qu’ils ont plus de réalité, par conséquent d’autant plus de puissance d’exister : donc l’être absolument infini existe absolument. On fera peut-être difficulté de l’admettre en remarquant que les choses ont d’autant plus de peine à exister et à se maintenir qu’elles sont plus compliquées, ce qui paraît établir que les choses ont d’autant moins de puissance d’exister qu’elles ont plus d’essence ; mais ceci n’est vrai que des choses dont l’existence dépend de causes extérieures, tandis que dans notre preuve il n’est question que des substances, qui sont causes d’elles-mêmes, existant par leur essence. La perfection ici ne supprime pas l’existence, mais la pose : c’est l’imperfection seule qu’une essence substantielle contient qui peut faire douter de son existence.

Cette quatrième preuve, ou forme a priori de la troisième (par suppression de la comparaison avec le fini admis a posteriori exister), n’est que le principe de la troisième, et par suite des deux premières, mis en relief. Ce principe c’est l’équation de l’essence substantielle (non modale) à l’existence par soi ou à la puissance infinie, c’est-à-dire absolue, pure et simple, d’exister. Par suite l’infinité absolue de l’essence est identifiée à celle de la puissance d’exister, et celle-ci à l’existence absolue. « C’est pourquoi l’être absolument infini, ou Dieu, tient de lui-même une puissance d’exister absolument infinie, et par suite existe absolument. »

Ainsi substance ou essence en soi (par 7) essence par soi, ou puissance d’exister, ou existence substantielle, par soi.

Et d’autre part essence en soi absolument infinie puissance d’exister absolument infinie existence absolue.

Ainsi essence en soi existence par soi, et infini absolu, infini se disant de l’essence (en soi) et absolu de l’existence ; l’absolue existence n’est que l’existence sans condition, c’est-à-dire par soi, n’y ayant rien en dehors d’elle.

Le défaut de la troisième preuve consiste en ce qu’elle établit une comparaison entre le fini et l’infini, et laisserait supposer que pour les êtres finis aussi la puissance d’exister est adéquate à l’essence, à la perfection que contient leur essence, ce que Spinoza nie formellement dans le scolie, où il ne reconnaît aux choses qui dépendent des causes extérieures aucune puissance d’exister.

Ce défaut se retrouve même dans la quatrième où Spinoza établit la comparaison non pas explicitement, extérieurement, avec le fini