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J. LAGNEAU.QUELQUES NOTES SUR SPINOZA.

savoir si cette idée est celle d’un mode, pouvant ne pas exister, ou celle d’une substance, qui ne le peut pas, c’est-à-dire qui existe nécessairement ; mais (voir le sc. de P. 8, tout le 1re tiers) si elle est celle d’un mode, nous concevons ce mode par une substance, soit finie, soit absolument infinie. Dans le dernier cas la démonstration est faite ; dans le premier l’absolument infini est conçu par le fini, le plus par le moins, ce qui est absurde, car alors le moins deviendrait le plus.]

[En un mot l’absolument infini est conçu et aussi le fini ; ils ne peuvent l’être que comme reposant sur une substance ou étant cette substance ; si c’est l’absolument infini qui est la substance, il existe nécessairement ; dans l’autre cas il pourrait ne pas exister, mais alors même il n’en serait pas moins conçu et par le fini, ce qui est absurde.]

[Plus brièvement encore : le fini et l’infini sont conçus : lequel, contingent, par l’autre, nécessaire ? il serait absurde que ce fût l’infini : il est donc substance.]

Résumé des trois preuves — : les deux premières établissent que nous concevons un en soi infini et que comme tel rien ne peut le poser (1re) ni l’ôter (2me). La troisième s’en tient à la première proposition et au lieu de l’avancer en la formant librement par le rapprochement de l’idée d’infini et de celle de substance, elle la prouve en partant de l’idée d’infini, et en montrant qu’il faut un en soi et qu’il est absurde de supposer que cet en soi existant par soi ne soit pas cet infini, mais le fini (lequel a posteriori est admis exister).

Les principes communs de toutes ces preuves sont donc : 1° que nous concevons l’absolument infini clairement et distinctement ; 2° que tout ce qui est conçu, existant ou non, l’est par une substance qui existe, et nécessairement, par elle-même.

Ainsi Spinoza n’a pas à démontrer que le réalisme est le vrai, il le présuppose. Qu’il y ait de la substance, c’est ce qui est certain, par le fait seul qu’il y a de la pensée ; il s’agit seulement de savoir ce qu’est cette substance, de prouver qu’elle est absolument infinie, que ce n’est pas le fini qui est en soi et par soi.

Dans le scolie de P. H, Spinoza déclare que s’il a démontré en dernier lieu l’existence de Dieu a posteriori ce n’est pas qu’on ne pût donner cette même preuve par la puissance d’exister également a priori comme les premières, mais seulement pour en faciliter l’intelligence.