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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

comme inséparable, et c’est l’amour qui fait le miracle, et c’est de lui que tout part (voir 1re dialogue : amor quaerens inlellectum). Spinoza, quoiqu’il fasse la théorie de la théorie (de saint Paul), revient à la nature, à l’immanence et immédiatité, c’est-à-dire à la religion. Saint Paul ne connaît le salut qu’à travers Jésus. Spinoza le connaît en lui-même.

Le sentiment, c’est l’omniprésence de l’idée dans l’action, c’est cette extrême mobilité de l’âme qui fait qu’elle peut monter et descendre sans cesse, se tourner presque simultanément vers le divin et vers l’humain, ne jamais se laisser entraîner et renoncer au perpétuel contrôle du tout sur la partie. L’entraînement d’une idée, d’une foi, n’est que le substitut imparfait du sentiment, qui est la forme supérieure de l’intelligence : la vraie bonté, toujours douce et maîtresse d’elle-même, est inséparable de la plus haute forme d’intelligence servie par de belles facultés secondaires, ses instruments mécaniques, naturels. Celte harmonie, cette perfection qui fait les âmes purement religieuses et leur victorieux attrait se trouve dans Jésus et dans Spinoza, on peut dire aussi dans Socrate : ils sont surtout des âmes. Les Paul, les Augustin, les Luther sont surtout des esprits. Pascal, qui n’a pu s’élever jusqu’à cet idéal, l’a du moins senti, et son tourment est venu de ce qu’il n’a pu l’atteindre.

Spinoza est contre la volonté, contre la force de l’éducation mécanique, de la discipline (Descartes), pour l’entraînement, mais purement rationnel, abstrait, non imaginatif et sentimental : contre Descartes d’une part, contre Platon de l’autre (imagination) et contre la religion (sentiment). Différence entre l’imagination et le sentiment (Th. Gautier, Musset). Voir ch. iv du Theologico-Politicus, début.

Sur la conclusion de Pollock.

Si Spinoza n’a été [compris] par personne tout entier, cela tient à l’extrême condensation et puissance synthétique de sa pensée, puissance que ne peuvent égaler la plupart des esprits qui l’abordent. Cette puissance consiste dans le pouvoir de percevoir dans un seul acte le rapport d’un nombre le plus grand possible de pensées. En développant cette synthèse, perçue dans un acte supérieur d’imagination (de même en tout, en musique par exemple, la puissance de