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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

ne voit pas que l’infini aussi est relatif (l’infini objet, substance, comme il dit (se. P. 15) ou plutôt attribut (L. LXIX ; Cog. met., chap. i et vi). Il ne le reconnaît que pour l’infini d’imagination (quantité infinie, substance corporelle infinie), quantitas abstracta, sive su]derfic aliter concepta, prout nempe ipsam imaginamur. — Leibniz montre que l’étendue ne peut pas être substance, mais pour Spinoza cela n’est vrai que de l’étendue imaginative. L’étendue conçue, c’est l’étendue idée éternelle, fondement éternel de toutes les idées. Maintenant pourquoi les parties, les modes existent-ils nécessairement ? C’est que sans eux, sans les affections, les rapports, il serait impossible d’arriver à la conception de l’attribut substance. Ainsi ce n’est que par les idées des affections du corps que l’âme arrive à connaître son essence ; ainsi encore l’âme conserve dans la vie éternelle son rapport à la vie sensible, elle reste l’idée du corps, mode de l’étendue ; la nécessité qui lie les deux faces de l’être, infini et fini, et qui est réciproque, qui explique la déduction des modes (création) inintelligible à L. M. (Ep. 69 et 71 ) auquel Spinoza fait des réponses inintelligibles et provisoires, est au fond cette nécessité psychologique. C’est une nécessité de fait. Spinoza n’en connaît pas d’autre ; on ne pourrait atteindre le concept de l’étendue sans les affections, sans les sensations, mais elle n’en est pas moins quelque chose à part, et l’être vrai, substance-attribut, c’est qu’elle seule apparaît à l’esprit comme nécessaire par elle-même ; cette nécessité en fait l’éternité, qui n’est pas dans le temps (Cogit., I, 4 ; ii, 1).

Lettre XXIX à L. M. — Ni l’étendue substance (infini) ni l’étendue modes conçus suivant l’existence, c’est-à-dire dans l’enchaînement causal, ne sont divisibles. L’étendue (id. la durée) n’est divisible que dans le mode conçu suivant l’essence seulement ; il peut ainsi, sans perdre son essence, être conçu plus grand ou plus petit ou divisé en parties, tant selon l’étendue que selon la durée ; mais alors on a l’étendue abstraite et superficielle telle que nous l’imaginons, non l’étendue substance, telle que l’entendement seul peut la concevoir.

Lettre à M. Gentili.
22 janvier 1884.

Vous ne me demandez pas, je pense, si la doctrine de Spinoza sur les points qui vous arrêtent, est intelligible jusqu’au fond, c’est-à-dire est la vérité (je suis loin de le croire), mais seulement si, dans les