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J. LAGNEAU.QUELQUES NOTES SUR SPINOZA.

Le Dieu de Spinoza.

Le Dieu de Spinoza, c’est l’être, la substance, le lien nécessaire des attributs, c’est-à-dire des formes irréductibles de l’être. Ce Dieu domine et comprend même celui de l’idéalisme moral, puisque si nous concevons un tel Dieu, c’est encore parce que c’est là une loi des choses. Le véritable Dieu n’est donc pas dès lors ce qui devient, mais le rapport de ce qui devient sous une forme à ce qui devient sous une autre, la nécessité qui nous entraîne à les penser solidairement. Pour lui, cette nécessité est la substance. Mais qu’est-ce que la substance, si, comme nous le dit Spinoza, elle n’est rien en dehors des attributs et n’est que leur unité ? Évidemment la nature même de la pensée qui se retrouve la même partout, quel que soit le compartiment de la réalité dans lequel elle se place. Le spinozisme est un réalisme idéaliste pour lequel la pensée atteint réellement le fond de l’être ou plutôt le constitue ; elle est à la fois un attribut et la substance, un attribut en tant que sujet pensant, une substance en tant qu’elle subit elle-même, comme objet, sa propre loi qui est de penser l’être comme nécessaire, infini et un. Donc quoique pour Spinoza il n’y ait rien que de la pensée, il n’est pourtant pas idéaliste, parce qu’il admet l’éternelle et irréductible opposition des deux termes, et qu’il fait pivoter le sujet autour de l’objet et n’entend pas que celui-ci vienne de celui-là. Il n’est pas idéaliste parce qu’il est déterministe, c’est-à-dire entendementiste, formaliste, c’est-à-dire exactement en métaphysique ce que Kant est en morale. Pour l’un comme pour l’autre le tout, c’est la forme (pour Kant l’obligation, la bonne volonté) ; le fond n’est rien ; tandis qu’en réalité c’est le fond, la matière, œuvre de la liberté, qui est tout. C’est la nécessité (obligation de Kant, substance-être de Spinoza) qui n’est que l’apparence.

Voir sur Dieu immédiatement connu, sans intermédiaire de modes ou de pseudo-attributs, connu comme il peut l’être quand tout cela manque, c’est-à-dire senti, le vrai Dieu vivant :

Le chap. viii (De la nature naturante) du Tract. brev., 1re partie ;

Le chap. xxii, 2e partie : De la régénération.

Pour Spinoza il n’y a pas d’absolu sujet, il n’y a que de l’infini. Il