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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

Ce passage établit nettement l’intellectualisme de Spinoza. Pour lui, c’est la pensée qui soutient tout le reste par sa constitution.

Par sa distinction des modes et de la substance. Spinoza a supprimé la question de la génération des modes. Ils ne sont qu’une projection imaginative sur le fond immuable de la substance. Ainsi est écarté le platonisme qui expliquait toute réalité sensible par une idée éternelle (pour ce système pas de science, puisqu’il cherche l’explication directement en dehors du temps). De même l’aristotélisme qui met l’idéalisme de Platon en devenir et compose la réalité d’infusions successives d’éléments idéaux. Pas de science non plus. Pour Spinoza au contraire les modes ne sont rien : l’objet de la science est la découverte de la substance dans le mode, c’est-à-dire de l’abstrait dans l’imaginaire ; la loi de la substance.

Rapport entre le cartésianisme (concret imaginaire ; abstrait tion seul réel) et le judaïsme : mépris des formes.

Dans la deuxième partie de l’appendice de De Deo, remarquer le curieux passage où il explique l’union de l’âme et du corps. Il commence par dire que le corps est cause de toutes les modifications de l’âme, puis à la page suivante, il explique que les idées de l’âme sont des modifications très immédiates. Il y a donc simple correspondance, harmonie à la Leibniz, non cause et transformation à la façon du matérialisme moderne. Spinoza n’est pas moniste (admettant un inconnaissable), sa substance n’est qu’une expression ; phénoménisme. Il voit tout en dehors, objectif, dans la réalité. Selon lui (voir pourtant certains, passages des Cogitata) tout est intelligible. Le monde des idées et celui des choses, de la pensée et des autres attributs sont absolument séparés. Ils ne sont pas celui-là l’œuvre de celui-ci, comme pour les matérialistes, ni celui-ci le prolongement de celui-là (sauf Ι’υλη) comme pour Platon (chimie intelligible).

Mais si la pensée est indépendante, elle n’est pas pour cela spontanée, active, inventive. Elle accompagne, elle ne précède ni ne provoque. Elle est aveugle ou n’a de vue que sur le présent.