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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

tandis que les esprits nets sont ceux qui ont la vue courte et la faculté d’être dupes de ce qu’ils voient.) Probablement il eût enjambé le dualisme (petit malheur !) et au lieu de cette insoutenable doctrine du parallélisme de deux substances ou attributs, car, au fond, cela ne change rien, nous aurions eu d’emblée un monisme idéaliste, à la Leibniz, ou mieux à la Schelling,

Valeur de cette méthode de différence (Uchronie). Pourquoi elle est infiniment plus sûre quand il s’agit d’un esprit que quand il s’agit d’un monde, théâtre du hasard ; au contraire, dans un esprit comme Spinoza, tenant l’œuf, on tient tout.

Question de savoir s’il savait le latin et avait pu lire Descartes avant l’excommunication. S’il ne le savait pas, présomption bien forte en faveur de la thèse : qu’il a été expulsé de la synagogue plutôt comme chrétien (voir chap. xviii, part. 2 du Trac. brev.) que comme athée. L’expulsion comme athée serait peu vraisemblable, étant donnée la quantité de doctrines hétérodoxes qui se trouvent dans les écrivains juifs. L’expulsion comme chrétien le serait au contraire à un haut degré.

Dans tous les cas, il faut renoncer à l’idée de ne voir dans Spinoza que, soit un rationaliste pur, le héros, le type du rationaliste abstrait, comme le veut De Gérando, et tant d’autres, surtout un pur géomètre engendré par la méthode géométrique, pure bêtise ceci, ou un naturaliste comme le veut Van Vloten. Sans trace de mysticité, c’est le sentiment, le sentiment de l’unité, qui est le moteur de Spinoza lui-même, et c’est encore le sentiment (?) qui est le ciment de son monde. Voir l’admirable chap. xxiv de la partie 2 du Tr. brev. sur l’amour de Dieu pour l’homme, ou plutôt l’union de Dieu et de l’homme (expressions finalistes) et la révélation intérieure immédiate seule possible.

Il est vrai que cet amour est, pour Spinoza, absolument associé à l’entendement. Voir ce qui est dit plus bas de l’insuffisance du système dans le rattachement du sentiment à la connaissance, de la pratique à la théorie.

Qu’aurait pensé Spinoza de Kant ? Voir l’admirable chap. xviii du Tract, brev.

Spinoza et le Naturalisme.

I. 20 coroll. 2. Dieu n’est pas la nature, mais l’unité de tous ses attributs immuables, dont l’existence est d’être nécessairement vraie ( l’essence). Il n’est donc pas naturaliste, mais idéaliste.