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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

Les plus résolus réalistes moraux ne peuvent se plaindre de Spinoza, dont le principe est précisément que tout idéal, toute fin, doit reposer sur une réalité et que toute la réalité se tient. Conception nouvelle du monde qui éclate au xviie siècle, ce qu’on peut appeler le réalisme scientifique, qui est en même temps un nominalisme. C’est dans Spinoza que cette idée se réalise le mieux : le Dieu scientifique, non transcendant. Aussi l’accusation d’athéisme éclate-t-elle de toutes parts, et cependant rien de moins athée que cette conception…. C’est seulement la généralisation de la loi et son introduction au sein de Dieu, à la place du caprice. Dans Galilée et les savants antécartésiens, la révolution se prépare. Dans Descartes, elle entre dans la philosophie, en partie, dans sa forme. Chez lui l’esprit scientifique ne se rencontre que dans l’analyse, dans le choix du point de départ (côté théâtral et grand seigneur du doute méthodique). Pas de synthèse encore, pas de métaphysique proprement dite. C’est dans Spinoza seulement que se manifeste la métaphysique de la science.

Spinoza plus scientifique que Descartes lui-même. Il ne finit pas son discours de la méthode, faute d’expériences, et il meurt en cherchant à émender son système sur un point essentiel.

Le spinozisme est la métaphysique du cartésianisme (Hegel dit l’achèvement) ; mais laquelle entre les possibles ? La plus réaliste, la plus scientifique, la plus nue et la plus pleine à la fois, enfin la plus redacta et reducta. Cela ne lui venait pas du judaïsme, mais de lui-même, de la puissance inouïe de son esprit essentiellement scientifique et par là non pas cartésien, mais d’accord avec Descartes. Il a donc fait de toutes les métaphysiques possibles de cette doctrine de la science, au sens français du mot, qu’on appelle le cartésianisme, la plus cartésienne. C’est la métaphysique d’une doctrine objective de la science, métaphysique péripatéticienne et positive (voir mon article sur Barthélémy Saint-Hilaire), métaphysique de diamant, où la pensée même qui semblerait devoir la déraidir, est figée en éternelle et immobile cristallisation. Nulle place au subjectif, au dedans : il ne vit que par son objet (développement de l’idée de l’être) auquel il est éternellement appliqué. L’absorption de la partie dans