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en surface, mais le construire suivant la proportion vraie des parties qu’il contient. C’est mettre à la base celles qui supportent les autres, et qui portent en elles, dans leur idée, tout l’édifice, tandis que les parties les plus en vue, celles qu’on regarde plus souvent que les autres parce qu’elles représentent les questions ou les points de vue les plus familiers, et d’après lesquelles on essaie de caractériser l’ensemble, n’ont pas de sens en elles-mêmes, et par suite comportent les interprétations les plus contraires.

Ce qu’il faut découvrir avant tout, c’est le germe de la doctrine, qui, développé, en demeure le lien, c’est-à-dire la proportion non pas extérieure, mais intérieure des parties.

Dans l’interprétation d’un système, doit-on le rapprocher de son époque, des idées du temps, ou, au contraire, le rapporter à l’époque présente ? Au fond cela ne fait pas deux systèmes, mais un seul ; c’est une illusion de prétendre juger une époque avec elle-même. Nous ne le pouvons qu’avec nous. C’est parce que le fond est venu identique, que nous pouvons encore comprendre : retrouver ce fond sous la différence de la forme. On ne comprend que ce qu’on a revécu, et il est strictement vrai que l’expérience seule est le flambeau de la philosophie comme celui de l’histoire. Le fond, c’est le sentiment ; la forme, c’est l’idée. Développement de l’idée ; comment on le rencontre. Ce n’est point par la logique (Hegel) mais à tâtons, par l’expérience. L’histoire de la philosophie constitue un enchaînement de même nature que celui de l’histoire même, purement empirique.

La vraie psychologie des grands hommes a pour objet de déterminer en quoi consiste l’omni-présence et l’omni-action de l’idée sur eux. Leur force est là : avoir assez de force d’âme pour ramener tout ce qui se présente à cette idée, et ne pas se laisser entraîner par la mécanique de l’esprit. Penser ainsi, c’est penser chaque partie de sa pensée avec toute sa pensée. D’où vient cela, sinon de la suprématie de l’idée élémentaire, c’est-à-dire de la force, de l’attrait de cette idée, c’est-à-dire de ce qu’elle est un sentiment, et un senti-

    thèse des points de vue, ou synthèse extérieure ; 9. Orientation : Spinoza et le passé ; 10. Spinoza et l’avenir.
    Nous avons mis à part une étude plus étendue des preuves spinoziennes de l’existence de Dieu. Lagneau paraît s’y être proposé de montrer dans cet exemple capital la nature de la démonstration dans Spinoza, et combien ce développement d’une intuition fondamentale ressemble peu à l’argumentation toute logique que l’on s’est plu quelquefois à y trouver.