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les esprits en demeure de choisir sur-le-champ une solution et une étiquette, et par conséquent de les diviser d’emblée, elle les réunit, au moins pour un temps, dans un commun sentiment d’ignorance et de réserve. En leur faisant comprendre que. avant de juger le socialisme, avant d’en faire l’apologie ou la critique, il est nécessaire de le connaître, et cela au moyen d’une recherche de longue haleine, elle leur offre un terrain commun où ils se peuvent rencontrer et travailler ensemble, et par là elle les prépare à considérer avec beaucoup plus de calme, de sérénité et d’impartialité même les questions irritantes, quand l’heure de les examiner sera venue. Car, une fois que, en ces sortes de matière, on s’est astreint à se défier de son point de vue propre et à en sortir, ne serait-ce que provisoirement et par méthode, on est beaucoup moins enclin aux solutions exclusives et simplistes, et dans de bien meilleures conditions, au contraire, pour tenir compte de toute la complexité des choses.

Après avoir discuté les définitions reçues et avoir fait voir leur insuffisance, nous avons cherché nous-même à quels signes on pouvait reconnaître le socialisme et le distinguer de ce qui n’est pas lui et, par une comparaison objective des différentes doctrines qui ont pour objet les choses sociales, nous sommes arrivé à Ta formule suivante : On appelle théories socialistes toutes celles qui réclament le rattachement plus ou moins complet de toutes les fonctions économiques ou de certaines d’entre elles, même diffuses, aux organes directeurs et conscients de la société. Cette définition appelle quelques commentaires.

Déjà nous avons fait remarquer que nous disions rattachement, et non subordination, et l’on ne saurait trop insister sur cette différence qui est essentielle. Les socialistes ne demandent pas que la vie économique soit mise dans la main de l’État, mais soit en contact avec lui ; ils estiment, au contraire, qu’elle doit réagir sur lui au moins autant, sinon plus, qu’il doit agir sur elle. Dans leur pensée, cette mise en rapport doit avoir pour effet, non de subordonner les intérêts industriels et commerciaux aux intérêts dits politiques, mais plutôt d’élever les premiers au rang des seconds. Car, une fois cette communication constante assurée, ils affecteraient beaucoup plus profondément qu’aujourd’hui le fonctionnement de l’organe gouvernemental et contribueraient dans une bien plus large mesure à en déterminer la marche. Bien