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avec lui ; il a un total discernement de lui-même ; il est en lui-même la vie et toutes choses. La conception qu’il a de lui-même par une sorte de conscience (o-oveI cjva’TOrjTe’) consiste en un repos éternel et une pensée bien difïérente de la pensée de l’intelligence’. » Ainsi il le détermine par analogie avec l’intelligence, comme une sorte de pensée. Mais encore, et il l’indique déjà nettement ici, il n’y a là qu’une analogie. Or nous allons montrer que dans la suite, il va insister bien plutôt sur les différences que sur les analogies, au point que. finalement, les analogies indiquées d’abord paraîtront extrê- mement fragiles et disparaîtront entièrement. Voici les principaux stades de ce développement.

Il démontre d’abord que l’Un « n’est pas du tout une pensée ; car il ne faut pas qu’il soit activité ni mouvement, et il est avant le mouvement et la pensée ». On objectera que, s’il n’est pas une pensée, il sera par lui-même ignorant, et qu’il aura besoin de la pensée afin de se connaître lui-même. (( Mais, répond Plotin, de ce qu’il ne se connaît ni ne se pense, il ne s’ensuit pas qu’il y aura en lui de l’ignorance ; car l’ignorance est ignorance de quelque chose ; une chose en ignore une autre : mais lui qui est seul n’a rien à connaître ni à ignorer ; étant un et avec lui-même, il n’a pas besoin de se penser. Il ne faut même pas affirmer de lui qu’il comprend, si l’on veut conserver son unité ; et il faut nier de lui qu’il pense, qu’il comprend, et qu’il a la pensée de lui-même et des autres. » Voilà donc les oppositions nettement marquées ; pourtant ce déve- loppement se termine en insistant encore sur l’analogie ; sans doute il ne faut pas voir dans l’Un « un être pensant ; mais on peut y voir une pensée ; la pensée, en effet, n’est pas la chose qui pense ; mais elle est cause que les autres choses pensent- ». L’analogie se précise : rUn ne peut être appelé pensée qu’en tant qu’il a en lui le prin- cipe et l’origine de la pensée. Mais, en se précisant, elle tend à se détruire ; car si l’un est origine de la pensée, il ne peut-être lui-même pensée. C’est la conclusion à laquelle il arrive un peu plus tard. Si, en effet, la pensée est un mouvement vers quelque chose et procède d’un désir, seul ce qui est multiple peut admettre cette inclinaison vers soi-même qui est la conscience de soi ; u pour l’Un absolu, où pourrait-il aller à lui ? Où aurait-il besoin de la conscience de soi ? Il est supérieur à toute conscience et à toute pensée. » Gomment

1. E7in., V, 4, 2 [7] ; p. 204, 22 et suiv.

2. Ibid., VI, 9, 6 [9].