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réserves, des grandes écoles idéalistes de l’Attique. L’être achevé, complet, entièrement déterminé, a, par cet achèvement même, comme un droit à l’existence. L’acte est antérieur à la puissance ; l’acte pur qui est en quelque sorte l’être à l’état adulte et complet, est le premier terme explicatif qui n’a pas besoin lui-même d’être expliqué. Cependant, même en Grèce, cette question de l’origine radicale agitait sourdement les esprits ; elle était, en effet, en relation intime avec des questions religieuses, qui, dès la fin du vi^ siècle, inquiétèrent énormément le monde grec ; ce sont les questions concernant la destinée de l’âme avant la vie terrestre et après la mort. L’orphisme contient à la fois une eschatologie et une cosmogonie.

Ce rapprochement n’est pas accidentel ; il y a, dans toute l’antiquité, parenté étroite entre les questions d’origine et les questions de fin. La destinée humaine ne s’imagine que suivant un schème cyclique, la fin n’étant que le retour à l’origine. Cette formule est certainement beaucoup trop accusée pour convenir aux religieux orphiques qui n’avaient sans doute ni grande valeur ni grandes prétentions philosophiques ; il n’en est pas moins vrai que l’univers n’aurait pas eu pour eux la valeur religieuse qu’il avait, s’ils n’avaient point d’abord posé et résolu la question de l’origine. Vers l’époque d’Aristote commence une longue période pendant laquelle la question de la destinée de l’âme est, de la part de la philosophie, l’objet d’une indifférence complète ou même d’un scepticisme avoué. Mais, vers le ier siècle, il se dessine dans le monde gréco-romain un puissant mouvement mystique : la question de la destinée agite de nouveau les esprits. Et à ce moment, commence, dans les écoles philosophiques, une véritable floraison de systèmes, où la question de l’origine, du pourquoi et du comment, est passée au premier plan.

L’objet de cet article est d’étudier le développement de cette question dans le néoplatonisme grec, en montrant que l’idée du néant est comme le thème fondamental de toutes ces doctrines et que, toutes, elles se donnent pour tâche, bien que dans des directions et par des méthodes différentes, d’empêcher l’origine radicale des choses de sombrer dans le néant absolu. Sans doute ce sont là, en principe, des termes aussi opposés qu’il est possible ; si le néant est au-dessous de toute réalité, l’origine est au contraire au-dessus. 11 reste à voir ce que signifie cette formule, à chercher si et comment deux termes, placés l’un et l’autre en dehors de toute réalité pensable, peuvent ne pas se confondre l’un avec l’autre.