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tant que cette nature n’est pas exprimée dans les prémisses. M. Goblot — je puis me tromper — me paraît avoir une aversion profonde pour ce vi formae. La science du rhéteur, selon Platon, était la science de persuader en général, indépendante de la science de n’importe quoi en particulier. La prétention d’une telle science indignait le divin Platon, qui la poursuivait de ses sarcasmes. La vis formae me semble inspirer à l’auteur des sentiments assez analogues. « La logique formelle, dit-il, ne règle pas seule les opérations de raisonnement ; autrement le raisonnement serait indépendant des objets sur lesquels on raisonne » (p. 274), et cela lui parait absurde, je ne vois pas très bien pourquoi.

Une logique formelle, dit encore M. Goblot, ne peut pas ne pas être stérile. « Autrement dit, le raisonnement n’est jamais indépendant des objets sur lesquels on raisonne ; toute logique formelle est absolument stérile » (p. xxiii). La vraie déduction conduit à une connaissance nouvelle. Cette connaissance résulte des connaissances antérieures, mais elle n’y était contenue ni explicitement ni implicitement. Sans cela, serait-elle nouvelle ? La logique formelle, au contraire, c’est le domaine de la marche sur place. Ses lois « n’autorisent ni création, ni invention, ni découverte ; elles enferment étroitement l’intelligence dans son savoir acquis, lui permettent de le restreindre, non de l’accroître » (p. 274).

Ce dilemme : la conclusion est contenue dans les prémisses, ou elle n’y est pas contenue, n’est pas solide. « Contenue », qu’est-ce que cela veut dire ? On pense toujours comme s’il n’y avait qu’une seule prémisse qui compte[1]. M. Goblot se contente même souvent de parler de « l’hypothèse », c’est-à-dire, l’antécédent du jugement hypothétique à démontrer, qui n’est même pas une des prémisses. On pense qu’une prémisse contient la conclusion, les autres prémisses ne servant qu’à l’en extraire ; mais cette métaphore est sans rigueur. Des deux prémisses , , laquelle « contient » la conclusion , laquelle n’est que l’instrument de l’extraction ? La réponse ne peut être qu’arbitraire. Si la conclusion était dans les

  1. « Une pensée purement contemplative… pourrait découvrir dans un principe général les propositions plus spéciales… implicitement affirmées en lui ; elle ne saurait y découvrir les conséquences qui n’y sont pas, mais qui en résultent. » (p. 264). « Si l’on ne fait pas consister la synthèse dans l’opération constructive d’une pensée agissante, la synthèse ne peut être que donnée d’avance, et l’esprit ne peut que déduire analytiquement et détailler le contenu d’une vérité fondamentale » (p. 271).