Page:Revue de métaphysique et de morale - 26.djvu/320

Cette page n’a pas encore été corrigée

cette condition, dut être prompt à se faire, car l’ouvrage paraissait quelque temps après.

Et tout compte fait alors, la question ne m’apparaît plus avoir la gravité qu’on a cru et que j’ai cru moi-même longtemps devoir lui accorder. On ne saurait en tirer argument contre la bonne foi ordinaire de Descartes.

Au surplus, si nous ne trouvons pas déraisons sérieuses de douter de sa sincérité, n’avons-nous pas des raisons positives d’y croire ? Ne sommes-nous pas frappés, quand nous lisons ses écrits, et plus particulièrement sa correspondance, où se reflète le mieux son âme, de ses qualités de clarté, de fermeté, de précision ? Il n’est pas rare, s’il fait allusion à quelque incident de sa vie, découverte intéressante, publication d’un livre, etc., qu’il en rappelle la date. Nous pouvons parfois en vérifier directement la justesse, comme lorsque, dans la préface des Principes, il parle de la publication des Essais ou des Méditations[1]. Ce sont là des détails, mais ces habitudes de précision et d’exactitude sont peu compatibles avec une pensée qui fuit ou qui se dissimule trop aisément. Il aimait à se cacher lui-même, à éviter les distractions mondaines, les conversations inutiles, tout ce qui risquait de troubler ses recherches, ses méditations ; mais sa correspondance est là pour montrer qu’il n’a jamais hésité à répondre aux innombrables questions qui lui ont été posées. Au reste, par-dessus tout, à travers ses querelles, ses accès de mauvaise humeur et de susceptibilité exagérée, comme à travers les dissertations les plus sereines, ce qui frappe le lecteur c’est qu’il prend toujours tout au sérieux. Et ce trait de son caractère, qui écarte naturellement tout soupçon de comédie, ne se dégage-t-il pas pour un observateur attentif, du portrait si vivant de Franz Halz ?

Enfin, je peux ne pas savoir analyser toutes les raisons d’une impression que j’éprouve de plus en plus vive en lisant et relisant Descartes. Je me dois et je lui dois, en tous cas, d’en tenir compte dans ces études, et la méthode à laquelle elle me conduit aura au moins le mérite de la simplicité. Quand dans les querelles plus ou moins passionnées où nous le verrons engagé, celle que provoque

  1. [Le manuscrit contient ici la phrase suivante : « D’autres fois c’est la concordance de ses témoignages qui en prouve suffisamment l’exactitude. Il dit, par exemple, à… dans sa lettre du… Trois ans plus tard, s’adressant à…, il écrit… » Il nous a été impossible, en l’absence de toute autre indication, de restituer ici le texte.] — N. D. L. R.