Page:Revue de métaphysique et de morale - 26.djvu/319

Cette page n’a pas encore été corrigée

de conciliation reposera principalement sur la distinction de deux sortes de mouvement, dont l’un diffère de l’autre par le simple fait que le mobile est simplement porté ou poussé par un corps contigu, au lieu d’être isolé dans son déplacement ?

Ainsi il nous faut accepter que la théorie du mouvement telle que la donnent les Principes traduise la pensée de Descartes. Il importe moins alors qu’arrivé au troisième livre, on soit quelque peu choqué par le zèle que met notre philosophe à insister sur certaines formules, et à déclarer que seule sa conception respecte l’immobilité de la Terre.

D’ailleurs ces exagérations restent, pour le lecteur, en marge de l’exposé du système ; elles n’entraînent le sacrifice d’aucune parcelle de la théorie astronomique de Descartes. Et, d’autre part, ce serait une erreur de croire qu’elles risquent de tromper la bonne foi des autorités romaines et de fermer les yeux sur des conceptions, dont la hardiesse est à peine diminuée par leur caractère hypothétique. La Correspondance, à la veille de la publication des Principes, laisse supposer que de véritables négociations s’engagèrent à Rome par l’intermédiaire d’amis de notre philosophe. Et il n’est pas impossible d’imaginer quel était l’état d’âme de celui qui avait joué le principal rôle dans l’arrêt de 1633, je veux dire d’Urbain VIII, quand [le P. Dinet[1]] reçut de Descartes, et probablement soumit en haut heu le plan et la substance de l’ouvrage. Personnellement, Urbain VIII ne devait pas être tellement hostile aux idées nouvelles. Lorsqu’il s’appelait encore le cardinal Barberini, tout en présentant des objections à Galilée, il avait amicalement accueilli ses confidences. Sa colère n’avait commencé que quand, devenu pape, il avait compris tout à coup que Galilée s’était joué de Rome, en laissant le dernier mot, dans ses Dialogues, au ridicule personnage de Simplicius, défenseur de la thèse classique, et surtout quand il avait cru se reconnaître dans ce personnage. Depuis onze ans la colère du vieillard avait eu le temps de s’apaiser. Il fallait seulement, et cela était de toute nécessité, sauver les apparences, et donner satisfaction à l’amour-propre des autorités romaines. La théorie savante de Descartes sur la nature du mouvement pouvait merveilleusement s’y prêter pourvu qu’elle se traduisît en formules précises et claires pour tous… L’accord, à

  1. [Ce nom avait été laissé en blanc par Milhaud. Nous le rétablissons d’après ce qui est dit dans l’édition Adam et Tannery, XII, 363. — Cf. Lettres à Mersenne, du 4 janvier et du 23 mars 1643.]