Page:Revue de métaphysique et de morale - 26.djvu/318

Cette page n’a pas encore été corrigée

la supériorité de sa théorie astronomique sur les autres. Et il avait à cœur d’observer qu’en abandonnant la Terre simplement au cours du ciel qui l’enveloppe, au lieu de la laisser se mouvoir autrement, il répondait à des objections bien connues. « Et vous pouvez entendre de ceci, écrivait-il à la fin du chapitre sur la pesanteur (ch. xi), que les raisons dont se servent plusieurs philosophes pour réfuter le mouvement de la vraie Terre, n’ont point de force contre celui de la Terre que je vous décris ; comme lorsqu’ils disent que si la Terre se mouvait les corps pesants ne devraient pas descendre à plomb vers son centre, mais plutôt s’en écarter çà et là vers le ciel, et que les canons pointés vers l’occident devraient porter beaucoup plus loin qu’étant pointés vers l’orient, et que Ton devrait toujours sentir en l’air de grands vents et ouïr de grands bruits, et choses semblables, qui n’ont lieu qu’en cas qu’on suppose qu’elle n’est pas emportée par le cours du ciel qui l’environne, mais qu’elle est mue par quelque autre force et en quelque autre sens que ce ciel. »

En 1644, l’idée est assurément quelque peu différente ; mais ne se rattache-t-elle pas à l’ancienne ? L’absence de toute action propre laissée à la Terre indépendamment de son ciel, qui pouvait rassurer les savants, en faisant tomber certaines objections courantes contre la thèse copernicienne, peut également rassurer les autorités religieuses et au fond pour la même raison : rien ne se produit par un mouvement propre de la Terre, les seules conséquences de ses déplacements sont celles du mouvement de son ciel. Celui-ci supprimé, la Terre resterait immobile.

Cela implique, il est vrai, que le mouvement reste inséparable dans la pensée de Descartes de quelque action, tandis qu’il s’efforce dans les Principes de le réduire à un simple transport, c’est-à-dire à une simple variation de distances. Mais en le lisant de près on voit bien, comme le note justement Hamelin, qu’à cet égard la confusion subsiste dans son esprit. Songeons d’ailleurs, si ces confusions d’une part, et ces distinctions trop subtiles d’autre part, nous jettent dans quelque étonnement, songeons que la science du mouvement n’est pas encore constituée, et que c’est de ces premiers tâtonnements qu’elle commencera à se dégager. Pour ce qui concerne en particulier la distinction cartésienne du mouvement déterminé d’un corps, n’est-il pas curieux de constater que cent ans plus tard, lorsque Kant voudra essayer de voir clair dans le fameux conflit qui devait séparer cartésiens et leibniziens au sujet de la force vive, sa tentative