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nant dans son vaisseau porte sur soi une montre, bien que les roues de sa montre aient un mouvement unique qui leur soit propre, il est certain qu’elles participent aussi à celui du marinier qui se promène, parce qu’elles composent avec lui un corps qui est transporté tout ensemble ; il est certain aussi qu’elles participent à celui du vaisseau, et même à celui de la mer, parce qu’elles suivent son cours, et à celui de la Terre, si on suppose que la Terre tourne sur son essieu, parce qu’elles composent un corps avec elle : et bien qu’il soit vrai que tous ces mouvements sont dans les roues de cette montre, néanmoins, parce que nous n’en concevons pas ordinairement un si grand nombre à la fois, et que môme il n’est pas en notre pouvoir de connaître tous ceux auxquels elles participent, il suffira que nous considérions en chaque corps celui qui est unique et dont nous pouvons avoir une connaissance certaine » [31].

Que sera ce mouvement unique ?

La définition que semble offrir le sens commun, l’action par laquelle un corps passe d’un lieu dans un autre, ou plus simplement encore son transport d’un lieu dans un autre ne saurait convenir ; car, nous ne pouvons parler du lieu d’un corps que relativement à d’autres « que nous considérons comme immobiles, et, selon que ceux que nous considérons ainsi sont divers, nous pouvons dire qu’une même chose en même temps change de lieu et n’en change point. Par exemple, si nous considérons un homme assis à la poupe d’un vaisseau que le vent emporte hors du port, et ne prenons garde qu’à ce vaisseau, il nous semblera que cet homme ne change point de lieu ;… et si nous prenons garde aux terres voisines, il nous semblera aussi que cet homme change incessamment de lieu ;… si outre cela nous supposons que la Terre tourne sur son essieu, et qu’elle fait précisément autant de chemin du couchant au levant, comme ce vaisseau en fait du levant au couchant, il nous semblera derechef que celui qui est assis à la poupe ne change point de lieu, parce que nous déterminerons ce lieu par quelques points immobiles que nous imaginerons être au ciel » [13].

Et dès lors, si nous voulons attribuer au mouvement une nature unique, déterminée, il nous faut renoncer à la définition qui le fonde sur l’usage vulgaire, et dire, selon la vérité, « qu’il est le transport d’une partie de la matière ou d’un corps du voisinage de ceux qui le touchent immédiatement et que nous considérons comme en repos, dans le voisinage de quelques autres » [25].