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impression produite sur la plupart des lecteurs ait été pour beaucoup dans l’accusation de plagiat, dont nous trouvons çà et là des traces aujourd’hui, quoiqu’elle ne me semble pas résister à un examen sérieux. Il sera permis, je crois, d’affirmer que Descartes a pu parvenir spontanément à sa loi par une autre voie que par sa trop fameuse démonstration, même si nous ne pouvons avec précision indiquer quelle est cette voie, — et qu’il a construit ensuite, pour y conduire les autres, le raisonnement à ses yeux le plus simple et le plus objectif. Gela sera permis, dis-je, sans qu’on ait le droit de contester sa sincérité.

Et enfin, dans cet ordre d’idées, il faut bien accepter, quand il a pris la résolution de voyager, pour lire dans le grand livre du monde, quand son principal souci est de tirer des enseignements des hommes et des choses qui passent dans ses yeux, il faut bien accepter que cette préoccupation reste au fond de son esprit, et que rien ne la décèle dans son attitude, dans ses conversations, dans ses occupations, dans les fonctions qu’il est amené à remplir. N’est-ce pas là le sens de ces mots, consignés par lui dans ses notes intimes.

[ « Ut comœdi, moniti ne in fronte appareat pudor, personam induunt, sic ego, hocmundi theatrum conscensurus, in quo hactenus spectator exstiti, larvatus prodeo[1]. » ]

On a voulu parfois s’appuyer sur ce texte pour montrer que Descartes, de son propre aveu, n’hésite pas à déguiser sa pensée, dans l’expression qu’il en donne. Tout cependant tend à faire remonter cette réflexion aux années de jeunesse, et tout particulièrement aux jours où, engagé volontaire dans les armées du duc de Nassau ou du prince de Bavière, il peut sembler au premier venu tout absorbé par des fonctions militaires — quand sa véritable pensée est ailleurs. — Parmi les notes au milieu desquelles se trouve cette phrase, il en est une qui vise, à propos de la pression des liquides sur le fond des vases, un entretien récent avec Beeckmann ; nous avons la date de cet entretien par le journal du savant hollandais : il remonte à l’hiver de 1618-1619. — D’autres sont des essais de résolution d’équations du 3e degré. Par leurs notations cossiques, et par leur nature, elles correspondent exactement à ce que dit

  1. [Cogitationes privatae. Ad. et T., X, 213. — G. Milhaud avait laissé cette citation en blanc dans son manuscrit, parce qu’il n’avait pas sous la main, à la campagne, l’édition complète de Descartes. Mais il n’y a guère de doute, d’après le contexte, qu’il s’agit bien de ce passage.]