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ne la perdra-t-elle jamais tant qu’elle sera présente dans l’agrégat, même si une partie de celui-ci a été enlevée ; et de quelques facultés de l’âme que la dissolution de l’agrégat, atteint dans son tout ou dans ses parties, entraîne la perte, toujours, tant qu’elle restera dans l’agrégat, elle conservera la sensibilité ; tandis qu’au contraire le reste de l’agrégat, demeurât-il intact dans son tout et dans ses parties, n’a plus la sensibilité dès que ce principe s’est retiré, je veux dire tout ce qu’il y a en lui d’atomes aptes à constituer la substance de l’âme. D’ailleurs, quand l’agrégat tout entier a achevé de se dissoudre, l’âme se dissipe et n’a plus les mêmes facultés ni les mêmes mouvements ni par conséquent la sensibilité non plus. (66) Car il est impossible de concevoir que le principe sentant réside ailleurs que dans le système constitué comme nous le voyons, et puisse se passer des mouvements que nous voyons dans le reste de l’agrégat ; bref, il est impossible de concevoir que ce principe subsiste lorsqu’il n’est plus entouré de l’enveloppe et du milieu où nous le voyons manifester son activité. Il faut aussi (67) se représenter ce qu’est l’incorporéité attribuable à l’âme, car on pourrait en venir à croire que le mot désigne quelque chose de proprement incorporel. On ne peut rien concevoir de proprement incorporel que le vide. Mais le vide ne peut ni agir ni pâtir : il ne fait que permettre aux corps de se mouvoir à travers lui. Par conséquent, ceux qui disent que l’âme est un être incorporel parlent pour ne rien dire. Si elle était incorporelle, en effet, elle ne pourrait agir ni pâtir ; or nous voyons avec évidence que ces deux accidents sont réellement éprouvés par l’âme. (68) Telles sont nos doctrines sur la nature de l’âme. On devra se souvenir de ce que nous avons dit au début de cette lettre, et rapporter aux affections et aux sensations ces raisonnements au sujet de l’âme. On arrivera ainsi à posséder les vues dont nous avons indiqué les traits essentiels, et à les posséder assez bien pour approfondir avec sûreté, en se laissant guider par elles, toutes les études de détail sur la question.

Les formes, les couleurs, les grandeurs, les poids, bref, toutes les choses que nous rapportons aux corps comme attributs essentiels et perçus dans la sensation des corps, les attribuant à tous les corps ou seulement aux corps visibles, ces choses ne doivent être regardées ni comme existant par elles-mêmes et substantiellement, car cela est