ramenant peu à peu le plus riche au plus pauvre, pour se perdre enfin en des identités sans portée. Tous ceux qui se refusent à admettre comme un pis-aller l’histoire imaginaire des empiristes, attendu qu’elle ne peut faire un pas sans supposer ce qui est en question, tous ceux-là connaissent bien les pièges de la dialectique. Ce n’est certes pas trop demander à soi-même que de vouloir savoir ce que l’on pense exactement lorsque l’on dit : ce bateau à vapeur est cause que le chaland qu’il remorque se meut en divisant l’eau : et ce chaland à son tour est cause que l’eau est soulevée en vagues et vient battre la rive. Or, si l’on se demande en quoi consiste cette relation, que nous retirons d’abord des circonstances de la perception pour l’y remettre ensuite peu à peu, il arrive, presque toujours, au cours de cette recherche philosophique qui veut purifier le concept, que le rapport causal, bien distinct justement et du rapport avant après, et du rapport de réciprocité simultanée, se perd pourtant soit dans l’un soit dans l’autre, et plus souvent dans la réciprocité ; car on n’a pas de peine à prouver que la cause ne peut pas être, si elle est cause suffisante, antérieure à son effet. D’où il suit que la cause vient se confondre avec l’effet et se définir par l’effet ; par exemple une force se trouve définie par une accélération et n’est plus autre chose qu’une accélération. Quelque maniable que soit un concept ainsi purifié, il est assez clair qu’il ne répond pas à ce que nous cherchions, puisque le rapport causal se trouve alors affranchi du temps, si l’on peut dire, et réduit à la nécessité géométrique qui fait dépendre de la définition les propriétés du défini. On pourrait dire que l’analyse à trop bien réussi, et que nous arrivons à une notion trop pauvre et trop abstraite pour que nous puissions jamais l’appliquer au bateau et au fleuve.
La dialectique de notre auteur ne laisse pas ainsi les notions se perdre en l’air ; son principal avantage est qu’elle laisse les notions distinctes, et, en les présentant à leur rang, leur conserve leur caractère original, et ainsi les rapproche peu à peu de la conscience et de la vie. C’est dans l’exposition du concept de temps qu’apparaît pour la première fois nettement la vertu propre de cette dialectique en mouvement. Le temps est un de ces concepts qui se perdent à l’analyse ; car dans le temps, rien n’existe, mi le passé, ni l’avenir, ni le présent. Mais si on le construit comme la synthèse de la relation et du nombre, alors il s’étale, on oserait dire qu’il foisonne sous notre regard ; car l’instant repousse sous les autres instants ; mais cette