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pas le dire, un véritable jugement synthétique a priori. Sur ce point tout le monde semble d’accord, mais ce que M. Russell prétend, et ce qui me paraît douteux, c’est qu’après ces appels à l’intuition, ce sera fini ; on n’aura plus à en faire d’autres et on pourra constituer la mathématique tout entière sans faire intervenir aucun élément nouveau.

XII

M. Couturat répète souvent que cette logique nouvelle est tout à fait indépendante de l’idée de nombre. Je ne m’amuserai pas à compter combien son exposé contient d’adjectifs numéraux, tant cardinaux qu’ordinaux, ou d’adjectifs indéfinis, tels que plusieurs. Citons cependant quelques exemples :

« Le produit logique de deux ou plusieurs propositions est …… » ;

« Toutes les propositions sont susceptibles de deux valeurs seulement, le vrai et le faux» ;

« Le produit relatif de deux relations est une relation » ;

« Une relation a lieu entre deux termes, » etc., etc.

Quelquefois cet inconvénient ne serait pas impossible à éviter, mais quelquefois aussi il est essentiel. Une relation est incompréhensible sans deux termes ; il est impossible d’avoir l’intuition de la relation, sans avoir en même temps celle de ses deux termes, et sans remarquer qu’ils sont deux, car pour que la relation soit concevable, il faut qu’ils soient deux et deux seulement.

XIII
Le Nombre Cardinal.

Entrons maintenant dans le domaine de l’arithmétique ; nous rencontrons d’abord ce que M. Couturat appelle la définition cardinale du nombre. Elle repose sur l’idée de correspondance. Deux classes ont même nombre cardinal quand on peut établir entre leurs éléments une correspondance bi-uniforme. Je n’examinerai pas si l’idée de correspondance constitue une notion nouvelle ; M. P. Boutroux a étudié la question au congrès de Genève (cf. également Revue de Métaphysique, juillet 1903), et la discussion à laquelle sa communication a donné lieu prouve au moins que la chose n’est pas aussi claire que le croient les logiciens.