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H. POINCARÉ.LES MATHÉMATIQUES ET LA LOGIQUE.

Et ce n’est pas tout, il introduit également des principes qu’il déclare indémontrables. Mais ces principes indémontrables sont des appels à l’intuition, des jugements synthétiques à priori. Nous les regardions comme intuitifs quand nous les rencontrions, plus ou moins explicitement énoncés, dans les traités de mathématiques ; ont-ils changé de caractère parce que le sens du mot logique s’est élargi el que nous les trouvons maintenant dans un livre intitulé Traité de logique ? Ils n’ont pas changé de nature ; ils ont seulement changé de place.

Ces principes pourraient-ils être considérés des définitions déguisées ? pour cela il faudrait que l’on eût le moyen de démontrer qu’ils n’impliquent pas contradiction. Il faudrait établir que, quelque loin qu’on poursuive la série des déductions, on ne sera jamais exposé à se contredire. Sans doute on verrait facilement qu’une opération nouvelle ne peut introduire de contradiction, s’il ne s’en est pas produit aux étapes précédentes. Mais conclure de là qu’il n’y en aura jamais, ce serait faire de l’induction complète ; et, le principe d’induction complète, rappelons-le bien, nous ne le connaissons pas encore.

Nous n’avons donc pas le droit de regarder ces axiomes comme des définitions déguisées et il ne nous reste qu’une ressource, il faut pour chacun d’eux admettre un nouvel acte d’intuition. C’est bien d’ailleurs, à ce que je crois, la pensée de M. Russell et de M. Couturat.

« On définit d’une manière analogue, dit par exemple M. Couturat, la somme et le produit logiques, non plus de deux relations, mais des relations de toute une classe : ces nouvelles définitions sont nécessaires, parce que les précédentes ne pourraient s’étendre par induction complète) qu’à une classe finie de relations, tandis que les nouvelles valent pour une classe quelconque, infinie aussi bien que finie.

« On est obligé de postuler, par des axiomes spéciaux, l’existence de la somme et du produit logiques ainsi définis pour toute une classe de relations. »

Ainsi, chacune des neuf notions indéfinissables et des vingt propositions indémontrables (je crois bien que si c’était moi qui a compté, j’en aurais trouvé quelques-unes de plus qui font le fondement de la logique nouvelle, de la logique au sens large, suppose un acte nouveau et indépendant de notre intuition et, pourquoi ne