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niment. Mais il faut pourtant surmonter ces inquiétudes, les renfermer en soi : presque toutes les mères le comprennent. Elles souffrent, elles veillent dans l’angoisse ; et l’enfant se fait homme. Ce qui est vrai de l’éducation physique est vrai de l’éducation morale : on ne se trempe pas sans risques. À la vigilance, à la patience, au dévouement des pères de limiter le risque. Leur inquiétude doit se traduire en attention : elle n’a pas plus le droit, au moral qu’au physique, de se soulager par la séquestration de l’enfant.

J’estime que la solution qui respecte tous les droits est celle — on a pu déjà le pressentir — de l’école non confessionnelle : ni catholique, ni protestante, ni juive, ni déiste, ni athée, ni capitaliste, ni socialiste, l’école neutre, c’est-à-dire impartiale et tolérante. Je ne veux pas qu’on dresse le lycée de la libre pensée contre les écoles de l’Église. L’école confessionnelle, ou sectaire (c’est la même chose), est une école anti sociale : c’est une école de dissolution sociale, une école de guerre civile.

Les pères de toute croyance n’ont pas le droit de refuser l’école non confessionnelle. Toutes les libertés sont solidaires les unes des autres. Celui qui réclame la liberté du père de famille, au nom du droit public moderne, doit respecter le pacte fondamental du droit public moderne, la laïcité de l’État, l’égalité civile de tous les citoyens de toutes les confessions. Il ne peut à la fois invoquer le droit moderne et le rejeter. Il se met en contradiction avec lui-même, ou bien il n’agit pas de bonne foi, s’il invoque la liberté de conscience pour dresser ses enfants à la combattre, s’il réclame le bénéfice du principe de l’État laïque pour élever ses enfants hors de l’État laïque, dans le mépris et la haine du principe même dont il s’est prévalu. L’éducation confessionnelle ne prépare pas à vivre en paix, en sincère union sociale (je ne parle pas du tout d’unité morale) avec des hommes de religion ou de doctrine différente. Tout père qui accepte de vivre dans l’État moderne, qui en reconnaît la base de liberté et de tolérance, nous doit et se doit à lui-même de ne pas élever ses enfants dans un isolement jaloux et déliant qui ne peut que les disposera l’inintelligence ou à la haine de la société où a vécu leur père. L’école non confessionnelle, au contraire, nous forme des citoyens qui pourront assister avec sécurité, et sans colère, quelque forte que soit leur persuasion intime, aux manifestations des croyances qu’ils ne partageront pas, qu’ils croiront vaines, chimériques, absurdes, puériles.