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G. LANSON.Droit du père de famille et droit de l’enfant.

francs maçons, s’il se sent, enfant non baptisé d’un père irréligieux, instruit avec sollicitude, dirigé avec justice par le maître qui croit à Jésus comme par celui qui pense avec Renan, de toutes ces expériences, et de toutes les habitudes qui les prolongeront, sortiront, non pas du tout le scepticisme ou la négation pure, mais la tolérance, le respect de la foi d’autrui, la reconnaissance du lien social entre des personnes de toutes confessions, en un mot le véritable esprit civil.

Quelle atteinte ce régime porterait-il au droit du père de famille ? Il y perd la sécurité qu’une parole dissonante ne parviendra jamais à l’oreille de son fils, il y perd la possibilité de dormir sur ses deux oreilles. Il n’est plus dispensé de faire attention, de surveiller, de réagir, en un mot de s’occuper de son fils. Mais, de bonne foi, lui doit-on ces commodités paresseuses ? est-ce à l’État de les lui garantir ?

Je sais combien la conscience d’un père est tendre, combien, croyant ou libre penseur, il peut lui être douloureux de laisser pénétrer ce qu’il abomine, je ne dis pas dans la croyance, mais simplement dans la connaissance de son enfant. Celui qui se dit qu’au bout de cette périlleuse initiation il y a un élargissement de la personne qu’il tâche de créer, un gain moral, peut accepter facilement le risque, et la pénible vigilance de toutes les secondes qui le limite. Mais celui qui ne voit pas le gain, pour qui c’est l’erreur, c’est le mal, qui sans compensation vient se mêler dans la substance morale de son enfant, celui-là est excusable de s’inquiéter, de s’indigner, de demander qu’on écarte de lui cette douleur.

Il faut comprendre ce sentiment, il faut le respecter, même quand on n’y cède pas. Il faut procéder avec ménagement, ne demander que le strict nécessaire, le minimum dont ni l’enfant ni l’État ne peuvent se passer ; il faut s’imposer la loi de ne pas créer de douleur inutile, dût-on pour cela ne pas aller au bout de son droit. Mais il y a des choses qu’on ne peut céder.

Cette horreur de certains pères est analogue aux appréhensions des mères dans l’éducation physique des enfants. Et pourtant il faut bien, si l’on veut faire de l’enfant un homme, il faut bien qu’on lui laisse courir des risques. La gymnastique, l’équitation, l’escrime, la bicyclette, la natation, tous les sports contiennent des chances de blessures et de mort. Quand l’enfant commence à aller seul dans les rues, en chemin de fer, il risque de se faire écraser. Le cœur maternel se serre, retiendrait volontiers l’enfant en tutelle indéfi-