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écrits de Cournot, l’affirmation contraire très nettement exprimée ; « les notions de l’étendue et de la durée impliquent également, avec une nécessité évidente, l’idée de la continuité » (loc. cit., p. 35), et comme pour qu’on voie bien qu’il s’agit de la continuité mathématique proprement dite, il ajoute : « La raison conçoit nécessairement qu’un mobile ne peut passer d’une position à une autre sans occuper successivement toutes les positions intermédiaires en nombre illimité ou infini.  » Et enfin on ne pourra croire non plus qu’il ne s’agit ici que de l’image plus ou moins imparfaite que nous avons du monde, car après avoir parlé de l’ordre généalogique de nos idées, il ajoute encore : « Dans l’ordre même des faits naturels, il ne répugne point d’admettre que toutes les manifestations de la loi de continuité ont leur raison primordiale dans la continuité de l’espace ou du temps. »

On ne saurait admettre que Cournot attribue cette continuité à l’espace et au temps seulement et non aux autres grandeurs naturelles. S’il croyait à une pareille différence, il le dirait explicitement ; il semble plutôt qu’il veuille dire que la continuité ne peut pas ne pas appartenir à ces grandeurs, puisqu’elles appartiennent au temps et à l’espace et que ces grandeurs ne sauraient être conçues en dehors du temps et de l’espace.

Ainsi ces infiniment petits qui sont la véritable raison des choses ne sont pas des atomes et, d’un autre côté, ce ne sont pas non plus des devenir, puisqu’ils sont rationnellement antérieurs, pour ainsi dire, aux quantités finies observables. Les infiniment petits leibnitiens, il est vrai, ne sont que des devenir, ou du moins ne jouent pas d’autre rôle dans les raisonnements mathématiques, c’est en cela que la méthode infinitésimale devient « une pure traduction de la méthode des limites ».

Mais elle ne prend cette forme qu’en vue d’obtenir la rigueur mathématique, parce que la méthode des limites, qui n’est pas la plus conforme à l’ordre rationnel, est la plus conforme à l’ordre logique.

Cette opposition entre l’ordre logique et l’ordre rationnel est une idée sur laquelle Cournot revient souvent. L’esprit humain est obligé de remonter du donné, qui est complexe, aux principes, qui sont simples ; cela, c’est l’ordre logique, qui nous est imposé par l’infirmité de notre intelligence ; c’est l’ordre de la découverte, mais nous ne posséderons la connaissance parfaite que quand nous serons redescendus des principes simples aux conséquences com-