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qu’elles passent subitement d’un état de grandeur à un autre ; et on cherche ensuite ce qui arrive quand on resserre de plus en plus l’intervalle qui sépare deux états consécutifs. Il est clair qu’on n’obtient ainsi qu’après coup les simplilications qui résultent de la continuité…

« Aussi peut-on poser en fait que quelque adresse que l’on mette à employer la méthode des limites,… on arrive toujours à des questions pour lesquelles il y faut renoncer.

« D’ailleurs la méthode infinitésimale ne constitue pas seulement un artifice ingénieux ; elle est l’expression naturelle du mode de génération des grandeurs physiques qui croissent par éléments plus petits que toute grandeur finie. Aussi, quand un corps se refroidit, le rapport entre les variations élémentaires de la chaleur et du temps est la raison du rapport qui s’établit entre les variations finies de ces mêmes grandeurs, le terme de raison étant pris ici dans son acception philosophique.

« Sous ce point de vue, on a pu dire avec fondement que les infiniment petits existent dans la nature, et il conviendrait certainement d’appeler la fonction génératrice ou primitive, et la fonction dérivée, à l’inverse de ce qu’a fait Lagrange.

« En résumé, la méthode infinitésimale est mieux appropriée à la nature des choses.

« Elle est la méthode directe, au point de vue objectif. D’un autre coté, le concept de l’infiniment petit ne peut se définir logiquement que d’une manière indirecte par l’intermédiaire des limites ; de sorte qu’au point de vue logique et subjectif, la rigueur démonstrative appartient directement à la méthode des limites et indirectement à la méthode infinitésimale, en tant que celle-ci devient, à l’aide de certaines définitions de mots, une pure traduction de la première. »

« Les géomètres ont une autre manière d’exprimer la même chose, dit-il encore (L’enchaînement des idées fondamentales, t. I, p. 87). On aurait tort de ne voir dans cette expression d’infiniment petit qu’une abréviation convenue, une forme de langage, apparemment plus commode puisqu’elle est plus usitée. Elle n’est effectivement plus commode que parce qu’elle est l’expression naturelle du mode de génération des grandeurs qui croissent par éléments plus petits que toute grandeur finie. Ainsi, quand un corps se refroidit, le rapport entre les variations élémentaires de la chaleur et du temps est la vraie raison du rapport qui s’établit entre les variations finies