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dehors de l’être donné ; mais que serait l’être sans la loi, sans la vérité ?

La représentation sous forme d’être distinct de la conscience intellectuelle en tant que vraie est donc moins fausse qu’insuffisante ; elle peut être, par suite, tenue pour symboliquement légitime.

Elle est même nécessaire en un sens ; car l’objectivité extérieure et la distinction des êtres étant la première forme sous laquelle nous apparaît l’indépendance des choses à l’égard de notre conscience empirique, il est naturel de traduire en langage objectif l’indépendance de la vérité à l’égard de ma conscience empirique. Cela se comprend d’autant mieux que certaines vérités peuvent être traitées par nous, sans métaphore, comme des objets. Car les lois physiques ou mathématiques peuvent être dites objectives, en ce sens qu’elles s’appliquent aux choses. Et ces vérités ne sont ni de simples images de l’esprit, ni (ou du moins nous l’ignorons) elles n’ont pour lieu des consciences ; et quant à ne leur donner d’autre support en quelque sorte que les êtres mêmes auxquels elles s’appliquent, c’est ce qui paraît difficile, puisque ces êtres passent, et qu’elles n’appartiennent pas à la série du temps. On est presque tenté dès lors de leur attribuer comme un mode d’existence à part. C’est pourquoi Platon et Malebranche admettent des objets idéaux saisis par intuition ; et quoiqu’il y ait là un mode de représentation inexact (puisque en aucun ordre nous ne saisissons de choses éternelles), si on le prend à la lettre, — cependant il faut bien admettre que ces vérités sont comme des objets pour l’esprit. Or toute vérité en somme revêt ce caractère du moment que je la parle. Le moi se pose, sans doute ; mais s’il exprime cette vérité, il pose nécessairement comme objet la vérité de cette position.

En ce sens donc, on peut dire que la liberté morale se pose elle-même, en tant que vérité, comme nature, comme objet pour elle-même ; et comme, en tant que morale, elle ne se reconnaît pas d’efficacité naturelle, elle se distingue, en s’affirmant, de cette liberté naturelle qui la prolonge. Mais nous ne devons jamais oublier d’abord que ce sont là des modes de représentation qui deviennent contradictoires à la certitude première dès qu’on les précise, et qu’on les prend pour l’expression de la réalité. Et, de plus, cette réalité à la fois liberté et nature, nous ne savons ce qu’elle est en dehors de la conscience de la liberté morale ; c’est une nature intérieure, mais dont seule la liberté morale donne l’approximation, et non pas la chose donnée et toute faite. Et il la faut toujours concevoir comme