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L’Illusion, par Jean Lahor, 2 vol. in-8. Lemerre, 1893.

S’il ne nous appartient pas de louer ici le talent du poète, au moins devons-nous montrer l’intérêt qu’inspire la pensée originale du philosophe. C’est un pessimiste, mais qui ne s’attarde point aux lamentations stériles et aux revendications déclamatives ; c’est un pessimiste réconcilié avec son pessimisme, parce qu’il y a trouvé la condition de la beauté et de la moralité. Le monde est beau, en raison du charme qui s’attache à tout ce qui n’est que spectacle, en raison de la pitié qui s’attache à tout ce qui est fragile et mortel. L’homme est moral, parce qu’il puise dans le néant de ce qu’il est et dans le néant de ce qui l’entoure la loi du renoncement à soi et de la communion avec les apparences universelles.

La question sociale est une question morale, par Th. Ziegler, traduit par G. Palante, 1 vol. in-18. Alcan, 1893.

Le présent est un devenir ; les individus, par l’action morale, en font un progrès. Leur devoir est donc, à un moment de l’histoire, de chercher ce qui peut être fait pour la réforme de l’univers, et de la commencer en eux-mêmes. Car, sans la morale, nulle réforme n’est pratique ni féconde. Elle seule, en fait, mesure la vie des institutions juridiques telles que propriété et succession.

Elle seule pourra donc, par l’éducation et la réflexion, dénouer les conflits entre patrons et ouvriers, entre femmes et hommes, entre patries et sociétés internationales. C’est ainsi que M. Ziegler prend sagement position entre l’individualisme et le socialisme absolu : l’un et l’autre se font une conception trop mécanique soit du passé, soit de l’avenir, négligeant, là, les facteurs sociaux, ici, le facteur individuel. — Le livre est clair, riche en aperçus historiques et en allusions contemporaines qu’illustrent heureusement ces idées : que le sens historique est non destructeur mais directeur du sens moral, que si les éléments des problèmes sociaux se trouvent dans le réel, leur solution dépend en même temps de l’idéal, que les questions de philosophie première sont enfin, pourrions-nous dire, moins éloignées qu’elles ne le paraissent à quelques-uns des questions sociales.

Le droit des femmes et le mariage. Études critiques et législation comparée, par L. Bridel, professeur à la Faculté de droit de Genève, 1 vol. in-18. Alcan.

Ce n’est pas en philosophe, comme Stuart Mill il y a trente ans, et plus récemment M. Secrétan, c’est en juriste que M. Bridel aborde le problème. Il tient pour possibles les réformes qui déjà ont été, ici ou là, réalisées, ce qui est d’une méthode prudente — et ce sont les États-Unis, l’Angleterre, la Russie et l’Italie qu’il offre pour modèles à la France, à la Belgique, à la Suisse, pays soi-disant libéraux, mais qui se trouvent, sur ce point particulier, très en relard sur bien d’autres sociétés. Ce qui est peut-être moins prudent, et ce qui est également une caractéristique de l’esprit juridique, c’est de demander une réforme spéciale sans voir les questions générales, infiniment graves, impliquées dans cette réforrme. Selon la juste observation de S. Maine, l’inégalité juridique de l’homme et de la femme ne veut pas dire l’oppression d’un sexe par un autre, comme d’une classe par une autre, mais bien des individus par un groupe : la famille. Or ce groupe, entendu comme nous l’entendons, survivra-t-il aux réformes qui peut-être seront la conséquence immédiate des réformes demandées par M. L. Bridel ?

Le problème de la conscience du moi, par le Dr  P. Carus, traduction A. Monod, 1 vol. in-18. Alcan, 1893.

La qualité maîtresse de ce petit livre qui traite des principales questions psychologiques, c’est le bon sens, à la condition d’entendre par là non pas le bon sens du vulgaire qui essaie de justifier des opinions qu’il croit spiritualistes à l’aide de notions franchement matérialistes, mais le bon sens philosophique qui s’élève au-dessus du spiritualisme et du matérialisme pour interpréter au sens le plus large les données de la conscience et les résultats de la science, et les réunir dans une synthèse d’apparence très claire, sans s’embarrasser des difficultés dialectiques que cette synthèse peut soulever. Si nous ajoutons que M. Carus est le directeur de deux Revues fort accréditées en Amérique, et qu’il essaie en manière de conclusion, d’humaniser le Christ et de diviniser le mariage, on ne sera pas loin de voir dans son livre une expression à peu près fidèle de l’esprit qui anime la philosophie courante aux États-Unis ; c’est probablement à ce titre qu’il a mérité d’être traduit.

The Philosophy of the Beautiful, part II, par W. Knight, professor of philosophy in the University of St-Andrews, University Extensions manuals, London, Murray, 1893.

M. Max Leclerc a entretenu, l’an passé, le public français, du travail accompli par l’œuvre de l’« Extension Universitaire » en