dans l’idée d’être, et dans les notions qui en sont dérivées : unité, nombre, substance, temps, vrai, beau et bien. Mais alors, si l’intelligence saisit l’être, ailleurs identifié à l’universel, pourquoi venir nous annoncer, comme on ferait d’une grande découverte, que « la perception » et même « la sensation » sont objectives ? Ajoutons que « la notion d’étendue ne s’explique pas très bien par cette circonstance qu’un corps plus étendu agit sur nos sens par plus de parties » (p. 48), — et que intelligere ne vient pas de intus legere, quand bien même « l’intelligence consisterait à savoir le fond des choses, que les animaux ignorent absolument » (p. 58).
La recherche de l’unité, par E. de Roberty. 1 vol. in-18, de la Bibliographie contemporaine Alcan.
Le dualisme est l’erreur fondamentale de l’esprit ; — l’agnosticisme n’est qu’une forme du dualisme. Pour échapper à l’illusion, il suffit de comprendre le principe de l’identité des contraires, lorsque, dépassant toutes les étapes intermédiaires de la pensée, nous atteignons le dernier terme de nos recherches. L’être et le non-être sont identiques, et c’est parce que nous substantialisons le non-être, que nous obtenons des oppositions fausses, telles que : le noumène et le phénomène, l’absolu et le relatif. Le monisme, le « monisme scientifique », l’ « athéisme scientifique » ou « psychologique » est le vrai.
Certes M. de Roberty est un penseur de bon sens et d’entendement clair. Nous n’en voulons d’autre preuve que ce jugement porté sur la philosophie de Kant (p. 88) : « L’étonnement profond où cette rencontre providentielle du sujet et de l’objet plongea Kant se comprend à son époque. Mais le même parallélisme perd aujourd’hui sa valeur d’énigme insoluble. La nécessité logique devient simplement une autre face (envers ou endroit, selon le point de vue de l’observateur) de la nécessité physique ou mécanique. » — Pourquoi alors appeler monisme une doctrine qui oppose le temporel au spirituel, le logique au physique, qui n’est qu’un dualisme confus et dont les termes sont mal choisis ? Pourquoi surtout la lecture du livre de M. de Roberty est-elle si singulièrement laborieuse et rebutante ? Peut-être est-il dangereux pour un matérialiste de parti pris d’étudier, comme semble l’avoir fait M. de Roberty, la philosophie de Hegel. On se souvient, en lisant M. de Roberty, du mot de Pascal : « Les athées doivent dire des choses parfaitement claires ».
Evolution and man’s place in nature, by H. Calderwood, prof. of Moral Philosophy, university of Edinburgh.
Après avoir reconnu (chap. i) la force de la thèse évolutioniste, puis (chap. ii) énuméré certaines difficultés, d’ordre scientifique, qui semblent s’opposer à la solution, dans le sens évolutionniste, des problèmes relatifs à l’origine et aux transformations de la vie, M. Calderwood passe outre, et déclare impossible de rendre compte des « caractéristiques de la vie humaine » (chap. iii) sans l’hypothèse d’une « double nature ». L’homme est doué de la faculté d’interpréter ses sensations : il est capable de langage et de réflexion. Au lieu d’être produit par son milieu, on peut dire qu’il le produit, ou du moins le modifie (chap. v, vii). Comment s’y prend M. Calderwood pour affirmer qu’il y a dans la nature, à la fois, et dualité et continuité, et concilier ces deux thèses par l’idée « d’un Dieu immanent à la nature et pourtant transcendant — transcendant et cependant immanent », on ne le voit pas bien. Le livre de M. Calderwood, assez riche en faits scientifiques, est souvent traversé par des réminiscences kantiennes : peut-être, néanmoins, sera-t-il permis d’y regretter l’absence de tout esprit critique. Il ne suffit pas de constater, dans les conclusions de la science contemporaine, certaines contradictions ou certaines difficultés : ces constatations ne peuvent servir, à la rigueur, que de documents ou d’indices. Il faudrait démontrer ces contradictions, c’est-à-dire faire voir en elles la condition nécessaire de la pensée.
The Evolution of Religion, by E. Gaird, prof. of Moral Philosophy, Glasgow University. 2 vol. in-8, Glasgow, Madehouse.
Cet ouvrage, composé de 22 leçons, professées pendant deux années à l’Université de Saint-Andrews, contient une interprétation métaphysique et morale de la religion chrétienne, inspirée par l’esprit de la dialectique hégélienne. Le moment de la religion objective et le moment de la religion subjective se trouvent conciliés dans la religion chrétienne, interprétée au sens le plus philosophique et le plus large. Peut-être convient-il de faire des