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les problèmes philosophiques ne sont pas aussi simples : N’espérons pas que les élèves les résolvent d’eux-mêmes. — Voilà l’argument. Peut-être, pour en finir, faut-il l’examiner de près : car on a beau dire, en gros, que les questions et que les discussions philosophiques sont obscures, il me reste des doutes : Où sont ces vérités que les jeunes gens ne peuvent découvrir ? Est-ce les vérités psychologiques, que chacun trouve en soi-même, et que les jeunes esprits cherchent avec tant d’entrain, dès qu’on leur a appris à se regarder intérieurement ? — Est-ce les vérités logiques et les méthodes des diverses sciences, que le simple bon sens suffit presque à formuler ? Et quel est l’élève moyen qui, convenablement interrogé, ne trouverait à peu près par lui-même comment on s’y prend pour établir une loi physique ou un fait historique ? — Sera-ce donc la métaphysique ? Ici, je le reconnais et je l’ai dit, ce que le simple bon sens ne peut trouver, ce sont les questions : un élève ne songe guère à se demander pourquoi la nature s’accorde avec la raison humaine, ni s’il y a hors de nous quelque substance réelle. Mais, les questions une fois posées, les réponses s’imposent presque : les théories, les plus bizarres au premier abord, de Malebranche, de Leibniz ou de Kant, ne sont que les diverses réponses possibles pour une raison saine. Ces apparents paradoxes ne sont que des efforts de bon sens. — Je crois donc que c’est nous qui obscurcissons toutes ces idées à plaisir. Ce qui est obscur, ce sont les termes étranges dont nous masquons les choses ; ce qui répugne aux jeunes esprits, c’est l’appareil technique que nous traînons après nous ; ce qui les déconcerte, ce sont les combinaisons sophistiques de mots, les jeux de pure dialectique, et, pour tout dire, la fausse subtilité et l’apparente profondeur. Voilà ce que les élèves trouvent rébarbatif, et j’estime que cela leur fait honneur. Mais les vraies questions, posées en termes simples, et présentées, si je puis dire, dans leur nudité, je ne vois pas qu’elles soient formidables. Interrogez clairement, et soyez sûrs qu’on vous répondra.

Le troisième grief de M. Bernès est aussi un des plus souvent formulés : le professeur qui cause se laissera forcément égarer loin du sujet : dispersion, zigzags, gaspillage de temps, voilà les conséquences de ce procédé. En effet « si nous acceptons de l’élève certaines questions, pour user sincèrement du dialogue, il nous faudra les accepter toutes ». — M. Bernès exagère un peu et dénature un peu. J’estime que tout en causant le maître reste le maître ; qu’il garde le droit de choisir et de régler ; que sa libéralité peut être clairvoyante. Il y a d’abord les idées qui sont du sujet et celles qui n’en sont pas : celles-ci, il les arrête au passage : c’est son droit de causeur et son devoir de professeur. Puis il y a les questions intéressantes et les questions insignifiantes : rien de plus simple que d’exécuter d’un mot ce qui est insignifiant. Tout bavardage oiseux ou hors de saison est ainsi endigué. — J’ajoute que les élèves n’ont guère la tentation de s’écarter du sujet, quand il est nettement posé ; ayons un plan très naturel et très simple : ils le suivront sans difficulté, et l’idée ne leur viendra même pas de s’élancer en dehors : en tous cas, d’un aiguillage très aisé, on les rejetterait sur la vraie voie.

Enfin, d’après M. Bernès, le professeur qui cause risque d’avoir un rôle