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construire un monisme avec la conscience comme type fondamental de l’existence, il faut que la conscience ne soit pas étrangère à la force, sinon l’on construirait un univers immobile et inerte, autant dire inexistant. Il faut donc poser que tout état de conscience enveloppe de la force.

D’un autre côté, l’édification du monisme universel sur cette base a évidemment pour condition préalable l’établissement de l’unité de composition mentale. La nécessité de poser que tout état de conscience enveloppe de la force, s’imposant ici pour la même raison, conduit inévitablement à reconnaître comme l’élément universel et radical de l’esprit ce qu’on appelle volonté. La psychologie devra être — et M. Fouillée la définit ainsi[1] — la science de la volonté. Dès lors il est deux doctrines psychologiques qu’il s’agit surtout de combattre et qu’en effet M. Fouillée poursuit avec vigueur partout où il les rencontre : l’intellectualisme et l’épiphénoménisme, auquel l’intellectualisme conduit aisément. Leur tort commun est dans la conception des états mentaux comme pures représentations. Il faut, se séparant de cette vue primitive et étroite, montrer que les idées sont des actes de la volonté « conscients de leur exertion, de leur direction, de leur qualité, de leur intensité »[2] Ainsi les idées et états psychiques pourront redevenir des conditions de changement interne et, indivisiblement, à cause du lien étroit du mental au physique, externe.

Mais si la psychologie, comme toute science, cherche légitimement à réduire les phénomènes à l’unité, ramener tout événement mental à un acte de volonté pur et simple, ce serait : 1o se mettre dans l’impossibilité d’expliquer les différences spécifiques qu’il y a entre les émotions et les sensations et entre celles-ci, d’une part, et les volitions proprement dites, d’autre part ; 2o ce serait aussi rendre inexplicable tout événement mental, car, réduit, par hypothèse, à un pur acte de volonté, il serait arbitraire, non rationnel, et la psychologie serait impossible. Aussi la réaction désirée contre l’intellectualisme et l’épiphénoménisme n’est vraiment réalisable que si l’on remplace le pur acte de volonté, auquel la pensée s’arrêtait au premier stade de sa réaction contre ces doctrines, par un processus triple, indivisiblement sensitif, émotif et appétitif, ou comme M. Fouillée l’appelle d’un mot, le processus appétitif. Ainsi l’acte de volonté, racine de tout fait psychique, est soumis au déterminisme scientifique et par là nous sommes aussi en possession d’un principe contenant en germe la sensation, l’intelligence, l’émotion et la volonté qui ne seront que des différenciations progressives d’un tout complexe à l’origine. Le processus appétitif est le principe fondamental de la psychologie des idées-forces : il est le moyen pour construire cette psychologie, moyen elle-même pour atteindre la fin dernière : l’édification du véritable monisme.

La déduction précédente nous permet de reconnaître le véritable caractère de cette psychologie : ce n’est ni une découverte dans les faits, ni une découverte dans la méthode qui lui donne naissance : c’est une vue a priori qui détermine et déduit sa tendance, son principe et, conséquemment, les

  1. I, p. xxxix.
  2. I, p. viii.