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psychologie de la volonté, une dernière et capitale question se pose. Existe-t-il une volonté ? La volonté ne se réduirait-elle pas, comme on l’a soutenu, à la sensation transformée ? Cette doctrine n’est pas plus admissible que celle qui en fait une faculté spéciale : la volonté est un fait irréductible. D’abord nous avons, outre une conscience sensorielle, une conscience active et motrice qu’on ne peut nier qu’en s’en tenant au point de vue statique et en refusant de reconnaître en nous un sentiment du changement interne ainsi que de la double direction possible de ce changement, du dehors au dedans, du dedans au dehors. Ensuite la projection au dehors de nos représentations et l’attribution au moi des volitions, la position du moi en face d’un non-moi, le caractère d’unité que nous attribuons au moi, caractère dû au sentiment de la continuité du vouloir-vivre, l’existence du plaisir et de la douleur et de la réaction qui en est inséparable, l’existence même de la sensation qui suppose le processus appétitif, en un mot tout fait psychologique n’est explicable que par l’immanence d’un vouloir irréductible à une combinaison de sensations purement passives : la pensée et l’action sont inséparables. « Ou la volonté n’est nulle part ou elle est partout en nous ; nous sommes partout en action et en mouvement : c’est la vie, et la volonté ne cesse qu’avec la vie. » Il suit que l’on ne peut ramener tous les faits cérébraux à des impressions d’origine périphérique et en particulier que le sentiment de l’effort ne se ramène pas à des sensations afférentes. Tout mouvement volontaire est accompagné de sensations afférentes, mais leur présence ne prouve rien contre l’existence, dans l’état de conscience corrélatif au mouvement volontaire, d’un élément non plus périphérique mais central et répondant à la décharge cérébrale : la conscience de l’effort. Dans l’acte volontaire il y a, corrélativement à la cérébration et à la décharge nerveuse finale, conscience d’une motion à développement continu dont les trois stades, qui ont pour échos des sensations afférentes, sont : la simple idée de l’acte, la prévalence de l’idée et l’exécution de l’idée ; mais l’action existe dès le premier stade. Aussi la distinction des centres en sensitifs et moteurs est-elle artificielle : tout centre n’est moteur que parce qu’il est sensoriel et il n’est sensoriel que parce qu’il est moteur. Ainsi encore l’action de la volonté ne suppose aucune création de mouvement : elle est la continuation d’un mouvement déjà existant. La conception d’un acte implique la représentation d’un mouvement et celle-ci un mouvement commencé : c’est le principe fondamental des idées-forces et le seul qui puisse expliquer rationnellement, à la différence des théories de Biran et de Hartmann, l’action de la volonté sur les muscles.

L’appétition spontanée ou la volonté primordiale de la persévérance dans l’être ou le bien-être agit antérieurement à l’intervention de l’entendement et n’est accompagnée que du discernement immédiat de l’état actuel : elle n’a pas besoin de la conception de plusieurs partis possibles ni d’une fin distincte de l’être même. Aussi cette volonté, identique à la vie et unilinéaire, a-t-elle pour caractère primitif la coïncidence de la causalité et de la finalité. Le vouloir fondamental persiste toujours identique sous les différentes formes particulières qu’il revêt. D’abord impulsion sensitive devenant par la répétition réflexe psychique, puis mécanique, ensuite impulsion