sion naturel vers d’autres êtres également sentants et doués d’appétit (II, 18).
Une fois construite, l’idée d’autres moi, comme celle du non-moi, devient une idée-force parce qu’elle n’est pas primitivement contemplative, mais « émotionnelle, appétitive et pratique».
Idée de l’espace. — L’hypothèse intensiviste de l’associationisme est impuissante à expliquer la genèse de l’idée d’espace. Le caractère extensif est irréductible. Mais il n’est pas pour cela a priori : une critique très serrée de la doctrine kantienne conduit M. Fouillée à rejeter comme inadmissible et inutile l’hypothèse d’une forme a priori. Il ne faut pas considérer avec les kantiens une conscience « pure », mais la conscience incorporée. Tout état de conscience a un caractère à la fois extensif, intensif et protensif ; en particulier, il y a un sentiment d’extensivité inhérent à la cœnesthésie. C’est ce sentiment général et irréductible qui sert de base à notre construction de l’idée de l’espace et lui assigne par là comme origine radicale l’appétit en réaction contre son milieu.
Le premier élément de cette idée est l’idée d’une coexistence de parties continues : or la cœnesthésie nous donne le sentiment d’une coexistence des parties de notre corps ayant chacune son signe local. L’extériorité des parties par rapport à nous, deuxième élément, nous est donnée par la résistance et l’effort. L’extériorité des parties entre elles, troisième élément, a pour marque distinctive la position : or la qualité locale est encore empruntée à la sensation, mais à une pluralité de sensations simultanées, car c’est la relation particulière de chaque impression avec l’ensemble des impressions de tout le corps qui lui donne son signe local. L’ensemble de toutes nos sensations corporelles, dit M. Fouillée, est extensif ; quand plusieurs sensations se détachent sur cet ensemble, elles ont non seulement une qualité sensorielle sui generis, mais encore une qualité locale, répondant aux lignes de communication qui s’établissent, par l’habitude, entre nos organes. Ce signe local, grâce à une série d’expériences, finit par se détacher pour la conscience de la qualité sensorielle proprement dite.
Enfin, il faut considérer ici un dernier facteur : le sentiment spécifique du mouvement. Au mouvement extérieur correspond un sentiment de transition qui est un mode original et irréductible de sentir. Cette impression nous révèle surtout l’extériorité mutuelle des choses, leur séparation au sein même de la continuité (II, 42). Or si aux éléments précédemment rappelés l’on ajoute une série de ces sentiments de transition répondant au mouvement, série dont les termes ne peuvent coexister et dont la succession est invariable, on aura la notion de distance. Tels sont les éléments de la représentation de l’espace. Les caractères essentiels de l’étendue — extériorité et juxtaposition sans pénétration — sont immédiatement saisis par la vue. Tous les autres sens nous donnent aussi la juxtaposition, mais, sauf pour le toucher, elle demeure vague et il y a tendance dominante à la pénétration. Toutefois les sensations du tact et même celles de la vue, qui cependant nous révèle immédiatement deux dimensions, ne nous conduiraient pas à elles seules à une notion, une idée nette de l’espace, si l’on n’y joignait pas le mouvement. Quant à la troisième dimension, elle