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action de l’externe, c’est précisément la matière de la connaissance, la sensation avec sa qualité spécifique ; ce qui est, au moins en grande partie, imposé par une contrainte extérieure, c’est la forme de la connaissance, l’ordre temporel des sensations, leurs rapports même de dépendance et de causalité empirique, et les lois de leurs combinaisons. La conscience de ces rapports doit aussi être impliquée dans l’intuition même des données. La chose est claire pour les rapports de temps et d’espace ; elle est tout aussi certaine pour ceux de différence et de ressemblance. Il y a un sentiment de différence et un sentiment de ressemblance, et ils sont « sensori-moteurs ». Le premier est originairement saisi dans le passage du plaisir à la douleur et il perd progressivement son caractère émotif pour devenir en apparence abstrait et tout indifférent : mais il est toujours constitué, d’un côté, par la conscience simultanée de deux états précédents sous la forme d’images, accompagnée d’un sentiment de transition de l’un à l’autre qui est le sentiment de leur résistance, de leur conflit mutuels — c’est là la part du dehors, la phase passive du phénomène — ; il faut y ajouter comme élément essentiel notre propre réaction intellectuelle (l’attention) et motrice par laquelle nous répondons à cette action, à ce changement apporté de l’extérieur. Ce sentiment complexe de différence est donc un sentiment dynamique et c’est dans l’effort qu’est sa source profonde. Le contraire, dit M. Fouillée, est primitivement ce qui nous contrarie et ce que nous contrarions en retour… Dire : telles choses diffèrent, revient à dire : il y a effort de telle chose à telle chose (p. 289).

Le sentiment de la ressemblance fut aussi émotif avant d’être intellectuel : il était la conscience de la continuation ou du renouvellement du bien-être. Même sous sa forme actuelle et en apparence tout intellectuelle, il est encore le sentiment d’un retour à un état et un mouvement précédents : il y a toujours superposition d’une image et d’une sensation qui aboutit à « un état de continuité, d’absence d’effort ». Par la répétition qui les a renforcés et dégagés du reste, les sentiments de différence et de ressemblance se transforment en idées et sous cette forme nouvelle ils sont devenus, en rendant la science possible, des facteurs de l’évolution, des centres d’action, des idées-forces.

Mais si tout rapport d’objets est sensitif, aussi bien que tout objet est sensible, il n’en résulte pas que le sujet n’ait point aussi sa part dans la connaissance. Cette part est d’abord, comme on l’a vu plus haut, la sensation, ensuite l’émotion consécutive, enfin la réaction appétitive et motrice qu’elle provoque. Ainsi les opérations sensitives n’ont pas le caractère exclusivement passif que leur attribue le sensualisme. Il reste à montrer contre l’intellectualisme que les opérations intellectuelles n’en sont que le développement.

1. L’attention. — L’attention qui est toujours accompagnée d’un phénomène d’innervation motrice, est la réaction intellectuelle en réponse aux impressions du dehors. Selon son degré de force, cette réaction est l’attention spontanée ou l’attention volontaire. Loin d’être un fait additionnel, « l’attention est, au fond, la conscience même et principalement, à son degré de développement supérieur, la conscience de soi se saisissant dans