retrouve par le calcul, en partant des principes de la mécanique, l’irréversibilité des phénomènes thermiques constatée par l’expérience. Mais les résultats de l’observation ne nous permettent même pas d’aller jusque-là : et d’ailleurs, il serait bien étrange que l’expérience permît de résoudre une question d’ordre métaphysique. Pour qu’une telle conclusion fût valable, il faudrait que la loi de l’entropie fût rigoureusement vraie, tandis qu’elle n’est qu’approximative, comme toute loi expérimentale. Tout ce que l’expérience permet d’affirmer, c’est que nous nous trouvons dans une période où l’entropie va constamment en augmentant ; mais, comme elle ne nous permet pas de décider si cette période a une durée finie ou infinie, rien ne nous assure que l’univers tend vers un état vraiment final, d’où il ne puisse plus sortir pour recommencer, sinon le même cycle, du moins un cycle analogue. En tout cas, c’est une question toute spéculative de savoir si le principe de l’entropie est éternellement vrai : pratiquement et au point de vue de l’expérience, un processus réversible à très longue période équivaut à un processus irréversible (à période infinie), et en est indiscernable. Ce qui est certain, c’est que la période universelle (qui, dans les idées des Anciens, devait être un multiple commun de toutes les périodes particulières aux innombrables mouvements célestes et terrestres) est extrêmement longue, et cela doit suffire à rassurer ceux de nos contemporains qui craindraient la fin du monde.
Telles sont les observations que nous voulions présenter à M. Weber et à ses lecteurs. Nous avons tenu à combattre un préjugé assez répandu, qui consiste à croire que les lois naturelles impliquent nécessairement la « répétition intégrale » de processus identiques. L’univers est trop vaste et trop complexe pour que le même phénomène puisse y apparaître deux fois ; ou, du moins, la nature n’est pas fatalement condamnée par le mécanisme à un perpétuel recommencement, et le principe de la conservation de l’énergie laisse un champ immense, sinon infini, à la nouveauté et au progrès ; peut-être même comporte-t-il un « changement définitif et absolu ». Que ce changement et ce progrès n’aient de sens et de valeur que pour une conscience et dans une conscience, et que par suite il ne puisse y avoir, à proprement parler, « qu’un évolutionnisme psychologique », nous l’accordons volontiers à M. Weber ; mais un tel évolutionnisme est parfaitement compatible avec une physique déterministe. Ces réserves, comme on voit, n’enlèvent rien au mérite et à la portée de l’excellente étude de M. Weber : il reconnaîtra sans peine, je l’espère, qu’elles viennent, non d’un adversaire, mais d’un collaborateur qui suivra ses travaux avec intérêt et sympathie.